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Le Rap en Amour

« Ton absence est la pire des présences », Nekfeu

Pour de nombreuses personnes, le Rap incarne une musique antisystème, composée uniquement de textes violents et haineux et faisant l’apologie des drogues, cependant il semblerait qu’il ne se résume pas qu’à cela. Même si la frontière entre le Rap et la Pop peut parfois paraître difficilement discernable, certains artistes comme Laylow, Dinos ou Nekfeu ont su prouver que le Rap avait une toute autre facette, tout en respectant les codes de la musique Hip Hop.

Voici donc une analyse de trois morceaux de Rap français ayant brisé des cœurs, à défaut d’avoir brisé des chevilles.

I. Une ville sans soleil

Dinos est aujourd’hui perçu comme un des rappeurs les plus talentueux de sa génération. Depuis tout jeune, il fait parler de lui grâce à son écriture. Entre ses punchlines incisives lors de ses battles et ses textes profonds et parlants de son premier projet « l’Alchimiste », Dinos fait de ses lyrics son identité et réussit à charmer le public.

Le 27 avril 2018, Dinos sort son premier album, « Imany » et s’impose directement comme un pilier du Rap français grâce à sa qualité artistique. Le 9e titre de l’album s’appelle ‘Helsinki ‘, et pour la première fois l’artiste y dépeint ses sentiments amoureux, ou plutôt ceux de son ex puisque l’introduction du morceau est le répondeur de Dinos. Ici, c’est donc elle qui s’adresse à l’artiste.

Le titre du son fait référence à la capitale Finlandaise, connue pour n’être quasiment pas éclairée en Hiver. C’est donc une ville sans lumière, sans Soleil, ce qui fait sens lorsqu’elle la compare à sa vie loin de celui qu’elle aime, et il l’affiche clairement dans son refrain :

« Les lumières s’éteignent, en pleine après-midi, l’impression d’être une ville sans Soleil, Helsinki, Helsinki… ».

Ce qui est intéressant dans ce texte, c’est l’évolution des sentiments de cette femme à travers les différents couplets, ou peu à peu, les sentiments se transforment en haine.

« Si tu savais comme je te déteste, tu saurais à quel point je t’aime ».

Petit clin d’œil à cette punchline magnifique : « Puis tu sais je suis irritée alors parfois je pleure de trop, en vérité mes larmes ne servent qu’à irriter ma fleur de peau », en espérant qu’elle vous fasse cogiter un peu !

II. Galatée

En 2016 sort le deuxième album de Nekfeu, « Cyborg », dans lequel se trouve le son « Galatée », un des morceaux phares du rappeur. L’ancien membre du S-Crew est aussi connu pour ses qualités d’écriture que de kickage. Il a été l’un des premiers à s’éloigner des codes du rap « traditionnel » pour parler à un public plus large, comme l’avait fait Orelsan à son époque, ce qui explique son succès fulgurant.

Ici le titre fait référence à un mythe grecque dans lequel un sculpteur, Pygmalion, tombe amoureux de sa création, Galatée. Nekfeu se sert de ce mythe pour raconter sa relation tumultueuse avec une femme qu’il a aimée, mais qui est incapable de passer outre son succès.

« Aujourd’hui c’est dur et demain c’est pire, ta jalousie me donne envie de toutes les séduire ».

Cela marque une incompatibilité entre ses relations amoureuses et son art, mais l’artiste va plus loin. Si on se réfère aux lyrics de « Plume », un morceau de son premier album dans lequel il admet qu’il ne serait pas prêt à abandonner d’écrire pour une femme, on comprend que cette Galatée n’est pas la femme que le Fennec attend toute la soirée, mais bien une personnification du Rap, qui lui procure une passion transcendante, contrairement aux amours risibles qu’il dépeint dans ‘Suga’.

III. Entre mélancolie et paranoïa

Comment vous parler de chansons d’amour sans évoquer Laylow, car Laylow, c’est tout un univers, sombre, mélancolique, marginal et complexe. Contrairement à d’autres artistes rap aux codes certes efficaces, mais déjà vus, l’artiste nous propose d’entrer dans un univers original et fantastique, que l’on ne saurait inscrire dans une époque. Il nous entraine dans un monde lugubre et, par des contrastes, réussit à nous y dépeindre des tableaux colorés. Laylow crie, chuchote, s’énerve puis zozote… Son flow ne cesse de varier et va jusqu’à nous transporter là où il le veut, ceci lui permettant d’aborder les thèmes qu’il souhaite de manière profonde et originale.

En effet, l’artiste toulousain n’a pas arrêté de nous raconter ses peines de cœurs sur des instrus mélancoliques tout au long de ses projets, et c’est ici le cas dans le 9ème son de l’EP « .RAW-Z » sorti en 2018, « Vent de l’Est ».

Laylow y raconte son réveil dans une chambre d’hôtel, ou il découvre que la fille avec qui il a passé la nuit l’a quitté sans le prévenir. Jey se met en scène ivre chantant son malheur d’avoir perdu cette dernière et se sent une fois de plus abandonné. Le terme vent de l’Est décrit très bien l’effet que lui procure cette rupture, puisqu’il la qualifie de glacial, comme le souffle de la mort. La mort est d’ailleurs évoquée plusieurs fois dans le morceau.

« J’te raconte pas ce qu’il m’est passé par la te-tê hier, t’façon j’suis déjà mort à l’intérieur j’ai éteint la lumière ».

À la fin du clip, Laylow se réveille d’un rêve paranoïaque dans lequel il est tué par cette femme qu’il aime, image qui décrit encore une fois très bien les pensées sombres de l’artiste.

« Pétasse quand tu me laisses je me sens seul à la mort. Pourquoi t’es partie si vite ? Pourquoi t’as claqué la porte ? Comme le vent de l’est, tu m’as refroidi les os »

Enjoy & Stay Tuned.

Loisel Noé

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