Start It

363_1740650376

Jungle Jack : entre poésie, bœuf bourguignon, cognac, cigarette et coq au vin

Le 21 mars dernier sortait Cognacs & Cigarettes, un album signée Jungle Jack et JeanJass. Véritable ode à la cuisine française, ce projet s’écoute comme on feuillette un livre de cuisine, entre sauce au vin, délices des rimes et parfums de tabac blond. Ce projet transporte ses auditeurs dans un univers aux mille et une senteurs et saveurs. Plongeons aujourd’hui dans un album qui sera vous faire saliver et voyager à travers les terroirs sonores de deux artisans du bon goût.

Deux chefs en cuisine

Cognacs & Cigarettes est le fruit d’une collaboration aussi gourmande que raffinée entre deux figures du rap : Jungle Jack, au micro, et JeanJass, derrière les fourneaux, à la prod. Le premier continue son run parfait entamé avec JUNGLE DES ILLUSIONS VOL.1 & 2, des projets où le kick est roi et la plume acérée. Parmi les titres marquants on retrouve :

  • XX FILES (feat. Alpha Wann)
  • VEGAPUNK
  • JUNGLE JACK

Le second, JeanJass, distille des productions riches, pleines de textures et de saveurs : cuivres moelleux, boom-bap à l’ancienne, nappes jazz… Une ambiance à la fois rustique, feutrée et résolument chill, parfaite pour une soirée en terrasse ou un apéro en fin de journée.

Le tout est sublimé par le mastering de Jules Fradet, qui offre une finition précise et délicate.

Jungle Jack et la gastronomie : une longue histoire d’amour

Ce n’est pas la première fois que Jungle Jack nous chante son amour à la cuisine française. Déjà dans JUNGLE DES ILLUSIONS VOL.1 & 2, les références à la bonne chère parsemaient ses textes. Je vous en ai choisi ici quelques-unes :

  • « Ils sont sous Fleury Michon, nous sous Whisky nippon » VEGAPUNK
  • « Verre à pied rempli d’Côtes-du-Rhône » VEGAPUNK
  • « Veste Kenzo je me caresse l’abdomen au resto » JUNGLE JACK
  • « Sur du pain aux noix, j’étale le foie d’une oie, dans le cognac, j’me noie » JUNGLE JACK
  • « J’ramène le vino si je suis convié » JUNGLE JACK
  • « Les keufs tournent comme une broche avec des chamallows. La wax transforme ton cerveau en gaspacho, weed cheesy comme un plat d’nachos. » XX FILES
  • « Rends grâce, coupe la tarte et sépare les tranches. Prépare la table, sers les parts et mange. Une fois qu’tout le monde a graille nettoie et range. » DRAGONS AQUATIQUES

Cognacs & Cigarettes : l’album des soirées en terrasse

Rien qu’à la lecture du titre, l’ambiance est posée : Cognacs & Cigarettes sent le cuir, le bois, le tabac blond et le digestif d’après-repas. La pochette, elle, illustre parfaitement le titre de l’album, une rose fumant une cigarette, emprisonnant un piano sur lequel un verre de cognac est posé. La touche vintage de la pochette s’accorde avec le titre évocateur des morceaux : “Dyonysos”, “Châteldon”, “Champagne violet”, “Le bruit et l’odeur”, on sait où aller et à quoi s’attendre.

Piste par piste : une dégustation musicale

DYONYSOS

Le projet s’ouvre avec le morceau Dyonysos, dès l’intro on est plongé dans une atmosphère mystique et poussiéreuse, presque muséale, avec une voix off fascinée par le temps qui s’arrête par le vieillissement lent et certain de ce qui l’entoure. 

Le titre annonce la couleur : Dyonysos, dieu du vin, de l’ivresse et du théâtre, devient le totem de Jungle Jack. Il convoque toute la mythologie grecque pour créer un imaginaire épique et baroque. Il y a là Hercule, Morphée, les Corinthiens, Pandore, Épicure, Léonidas, Xerxès, les centaures : autant de figures qui enrichissent un texte luxuriant.

  • « Le flow coule à flot, Dyonysos pillave tout l’caveau, Hercule avec les douze travaux »
  • « J’le fais sans forcer, sous lean, j’danse avec Morphée »
  • « Au calme, c’est olympien, j’te sers ces versets comme des Corinthiens »
  • « J’te peins un tableau, sur la ‘teille, y a un centaure qui tient un javelot »
  • « C’est carré comme un foulard Hermès. Faut que j’perce comme la lance à Léonidas dans la joue Xerxès »
  • « J’essaye de vivre comme Épicure »

Dans cette chanson mythologique et poétique, la nourriture n’est jamais loin. On est pas surpris de trouver à plusieurs reprises bon nombre de références culinaires dans le morceau. 

  • « Graille des entrecôtes, des foies gras poêlés, étale l’os à moelle sur des toasts dans la brasserie étoilée » 
  • « Rhum ambré ou Sprite magenta »

Le morceau se termine par une phrase forte : « Ces MC sont wacks, ils auraient jamais du faire du son comme Christophe Hondelatte »

Puis les propos de la journaliste N. Polony viennent conclure le morceau en outro.  « Ben oui, on trouve que vos textes ne vont pas très très loin et qu’on s’demande pourquoi ce besoin absolu de faire de la musique ? C’est-à-dire, vous dites : “C’est mon jardin secret” et justement un jardin, ça peut aussi rester secret ! » Jungle Jack reprend ces critiques à l’encontre de Hondelatte pour illustrer son envie insatiable de faire de la musique même si cela ne plait pas à tous. 

DICTONS EGYPTIENS

Le deuxième morceau, dictons égyptiens nous convie à nous balader sur des quais d’un fleuve avec un coucher de soleil et une petite brise. La prod du morceau avec sa guitare, son sample d’une voix féminine et ses bruitages qui viennent appuyés les paroles du MC. Jungle Jack nous délivre une performance XXL dans un couplet unique avant de clôturer le morceau par une outro comme l’ensemble des titres de cet album. J’ai choisi ici quelques phrases impactantes : 

  • « Sers les verres, l’agneau est béni, la sauce frémit, on aime quand la casserole gémit »
  • « Lâche une pièce au char-clo en grand philanthrope. Si j’suis pas dehors en train d’boire, j’suis chez oi-m en train d’bédave comme un misanthrope »
  • « Jedi en jogging, mentale de Yogi, Trempe des viandes dans des aïolis. Ma plume tranche des entités diaboliques »
  • « J’regarde le miroir, j’ai envie d’me check vu qu’j’peux pas, j’me fais juste un p’tit signe de tête, J’me fais un p’tit clin d’œil et j’flex »

CHÂTELDON

Le morceau Châteldon s’ouvre sur le bruit d’un bouchon de champagne, et de deux verres qui s’entrechoquent. La prod OG, un piano et des kicks simples, met en valeur la performance et les propos de JungleJack. Tout de suite le MC nous explique le titre du morceau : « Restau’ d’l’hôtel, j’ai pris un Pommard et une ‘teille de Châteldon ».  Le Châteldon est une eau minérale haut de gamme qui fut consommé par Louis XIV. Le MC se compare ainsi au roi, au prestige et à la stature qu’il représente. En toute logique ce morceau est une ode au luxe gastronomique puisque l’artiste ne va cesser d’y faire référence. « Graille du homard avec des bavoirs, Envoie les desserts et ressers à boire », « Jack, j’le ais-f vraiment, j’me pète le ventre, Descends des ‘teilles de champ’, crache des flammes sur des bêtes de samples », « Les prod’ sont des cognacs, les mic’ sont des cigarettes
Sprite sirupeux comme dix pancakes ». L’artiste ne se contente pas de cuisiner sur les prods de JeanJass, il se voit en véritable cuisiner, « Dom Pé’, Armand de Brignac. Jack, j’te cuisine a-ç comme Cyril de Lignac »

On trouve ensuite le premier refrain de l’album, et quel refrain ! L’artiste redemande du cognac pour continuer d’être inspiré et continuer l’élaboration de ce projet déjà excellent ! « Sers-moi un cognac, ouais, ouais. Sers-moi un cognac, ouais, ouais, ouais ». Le morceau se termine avec le témoignage d’un viticulteur, nous encrant encore davantage dans l’univers terroir et rustique du MC. 

ROUGON-MACQUART

Avec un tel titre, JungleJack nous plonge dans l’univers naturaliste d’Émile Zola, avec sa fresque romanesque les Rougon Macquart, l’écrivain s’efforce de conter l’histoire d’une famille française sous le Second Empire. Zola y dépeint des portraits saisissants, des histoires fascinantes, des décors détaillés. De plus, l’écrivain explore les effets de l’hérédité et du milieu social sur les individus notamment à travers le prisme des vices et des déterminismes sociaux. L’alcoolisme est un thème central de plusieurs romans de la saga Zola montre comment ce fléau se transmet de génération en génération, notamment chez les Macquart, la branche populaire et maudite de la famille. 

Rapidement dans le son, le MC va nous livrer cette phase : « Rougon-Macquart, t’as rien transmis à tes gosses à part l’alcoolisme », Jungle Jack critique donc ici une transmission familiale toxique où les héritages ne sont pas matériels ou intellectuels, mais plutôt des malédictions sociales, ici l’addiction à l’alcool. 

Dans ce morceau, Jungle Jack continue de défendre son patrimoine gastronomique, il se fait également le défenseur de la drogue, il vend cela comme un grand cru, comme un art, comme un plaisir gustatif. « J’suis sur le balcon, j’fume comme une tourte aux pommes », « Niaks gras comme la cuisine au beurre » Conscient de la beauté du projet qu’il est en train de nous livrer il a un message pour les prods magistrale sur lesquelles il pose. « JeanJass sort ses prod’ comme des grands vins d’Bourgogne » Le MC ironise également sur les thèmes abordés dans son album : « Le thème de c’projet, c’est bois plus d’eau »

Une outro vient encore une fois fermer le morceau. « Aujourd’hui sur une plateforme, on a des consommateurs qui recherchent tellement plus que juste le produit. Alors le produit nous on le connaît par cœur, mais en réalité les consommateurs maintenant, bah, ils veulent quelque chose qui est un objet, qui est un trésor »

MIYAZAKI

C’est mon morceau préféré de l’album, dans les thèmes abordés, dans la prod, dans le titre, tout y est ! Miyazaki est un réalisateur de films d’animations japonais. Il est co-fondateur du studio Ghibli. Ses films sont d’une féérie que personne ne réussie à re faire. Il est connu pour chacun de ses films, pour les plus connus : “Voyage de Chiiro”“Mon Voisin Totoro”… Jungle Jack reprend les thèmes abordés depuis le début du projet, à savoir, son amour pour la nourriture, l’alcool et la drogue, en plus de cela il nous emmène au Japon, dans l’univers de Miyazaki. « J’étais émerveillé d’vant les films de Miyazaki », « À travers le mic, j’envoie des ondes de haki », « JeanJass m’envoie les saveurs en pagaille », « Faut qu’j’devienne le meilleur sabreur sur le champ d’bataille. », « Cuisine les côtelettes avec le romarin du balcon, L’esprit sort d’un flacon, Lérave des battes, lérave des bâtons. Les alcoolos débattent comme Socrate et Platon. Est-ce que j’verrai un jour les cerisiers du Japon ? », « J’taffe dans l’ombre comme l’Akatsuki, Mets la drogue sur la pouki », « Cognac du duty-free, Weed et cigares, pas d’chicha goût Tutti Frutti ». 

Pour la première fois depuis le début de l’album, c’est l’artiste qui va se livrer de manière intimiste en outro du morceau. Il nous décrit une scène de sa vie, il rend hommage aux artistes qui ont compté pour lui. « J’me lean dans un Airbnb à dix minutes du Manneken Pis, Affalé dans l’lit, j’regarde des théories One Piece.J’pense à des trucs, ça m’rend nostalgique comme du Nujabes, Repose en paix Népal, repose en paix L’Homme de l’Est. On garde en mémoire les grands hommes de lettres, han, J’mets du shadow sur des faces B, j’me lean dans des Classes B » 

L’HUILE DE MORT 

Morceau interlude dans lequel on peut entendre un extrait d’un entretien de Patrick Burensteinas à propos de l’art de l’alchimie et de l’huile de mort.

Je vous laisserais le plaisir d’aller découvrir par vous même la fin de ce projet qui suit toujours sa trame, et qui réussit l’exploit de nous livrer dix titres (hors interlude) sans un seul skip, ce qui, à l’heure de la fast food musique, est un exploit.

LE BRUIT ET L’ODEUR

j’aurai quand même quelques mots pour ce morceaux qui voit se réunir les trois antagonistes de la rime et de la gastronomie.

Dans ce morceau, Caballero et JeanJass rejoignent désormais Jungle Jack derrière le Mic pour continuer de distribuer des rimes aux milles et une saveurs. 

« Que des grandes cuites, Jack, j’arrive sous Rémy Martin comme Louis XV en 1738 »

« Pull-up n’importe où avec une glacière et un barbec’ portatif. Après minuit, on est encore actif. Explore comme Dora, Graille des poulpes, des anguilles et des dorades. La serveuse était adorable. Tout c’que j’veux, c’est fumer d’la bonne de-wee »

Les trois artistes sont très proches en dehors de ce projet puisque Jungle Jack a réalisé les premières parties pendant la dernière tournée de Caballero et JeanJass. De plus à travers l’émission High et Fines Herbes et les différentes apparitions hors rap que c’est trois artistes ont pu réaliser, on se rend compte de leur proximité amicale et artistique, ils aiment tous les bonnes prod, les bons textes et les bonnes choses.

Conclusion : Cognacs & Cigarettes, l’album dont on avait besoin

Cognacs & Cigarettes, c’est plus qu’un album : c’est un repas complet, un voyage sensoriel à travers la gastronomie et le rap. De la première gorgée à la dernière taffe, Jungle Jack et JeanJass nous rappellent que l’art culinaire, comme le rap, est affaire de passion, de tradition et de créativité.

Jungle Jack s’impose ici comme un esthète du mot et du goût, et confirme une fois encore que le rap peut être un art de vivre à la française, entre poésie urbaine et amour du terroir.

Au de la d’être simplement un excellent album, ce projet est un bras d’honneur à l’industrie musicale actuelle. Il est effarant de constater le place trop importante qu’ont pris les stats, les chiffres, le nombre d’auditeurs dans le rap. Bouleversé par Tiktok, l’instantanéité, les trends, c’est toute la scène musicale de notre rap qui s’en voit impactée pas pour le meilleur mais seulement pour seulement pour le pire. Voir en 2025 des artistes sortir des projets totalement décalés et à l’opposé de ce que le public main stream attend c’est un réel plaisir.

ENJOY AND STAY TUNED

Gogneau Julien

11/09/2025

partager

Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur print
Partager sur email
Vous aimerez aussi
Jungle Jack : entre poésie, bœuf bourguignon, cognac, cigarette et coq au vin
+99XP de JOLAGREEN
Variété française et rap : une histoire d’influences croisées