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À toi qui penses que le rap féminin n’en vaut pas la peine.

En découvrant la rappeuse australienne, Sampa the Great, je me suis demandée pourquoi les femmes n’existaient pas plus dans ce milieu ?

Sa voix rauque, son flow articulé et ses instru flirtant parfois avec le jazz ou le blues pourraient lui permettre de devenir une figure très prometteuse du rap anglophone, la seule qualité qui lui manque est celle de ne pas être un homme.

Bien sûr, il y a eu des Lauren Hill, des Missy Elliot ou encore des Diam’s et des Keny Arkana en France, mais aucune figure féminine du rap n’a connu autant de succès depuis. La question serait alors pourquoi le rap s’est-il tant fermé aux femmes en si peu d’années ?

Dans un premier temps on peut pointer du doigt l’atmosphère machiste qui s’est installée avec le rap ego trip.  Certaines rappeuses essayent de s’initier à ce style, néanmoins il est difficile de répondre à leurs homologues masculins. Ces rappeuses ne sont pas moins douées et agressives comme l’exige le milieu cependant le culte de la virilité est à la base de cet ego trip d’aujourd’hui. Un rappeur n’a pas à s’inquiéter des critiques lorsqu’il parle sexualité alors qu’une rappeuse ne peut pas sortir de punchline à base de « clito » ou de « chatte » sans risquer d’être dénigrée et d’être considérée comme vulgaire. Les rappeuses ne sont pas aussi bien accueillies faute d’un idéal féminin restrictif encore très présent au sein de l’opinion publique.

Ces figures féminines ont donc bien du mal à se positionner. On trouve, aujourd’hui, parmi les rappeuses les plus connues, deux sortes d’artistes totalement opposées : Les premières sont celles évoquées précédemment, celles essayant de s’aligner sur le leitmotiv de leurs semblables masculins mais ne pouvant généralement pas utiliser les mêmes armes ou n’étant pas assez bien reçues auprès du public pour les égaler et se distinguer. Les secondes sont des rappeuses jouant sur leur ultra-féminisation, en opposition aux taux de testostérones élevés dans le rap de leurs compères. Néanmoins leur féminité prend souvent le pas sur leur musique. On peut constater que les médias restent focalisés sur le corps de Nicki Minaj et d’Iggy Azaela sans ne s’être jamais véritablement penchés sur leurs textes.

Ainsi les médias ont leur part de culpabilité dans le fait qu’on donne peu d’importance au rap féminin. En effet, combien de rappeuses font l’actualité de la presse spécialisée ou des critiques musicaux chaque jour ?

À premières vues, les journalistes ignorent l’existence de ces nombreuses rappeuses talentueuses qui attendent seulement qu’on les entende kicker aussi bien que des hommes.

Le site Madamerap (http://www.madamerap.com)  recense plus de 1000 rappeuses du monde entier ce qui prouve que le rap est aussi une discipline féminine et internationale.

Les nouveaux talents sont nombreux à émerger aux États-Unis car le rap game américain est un milieu déjà moins fermé aux femmes mais on peut également constater qu’en outre-manche et en France des femmes auraient le mérite d’être connues.

Aux États-Unis on pourrait citer la rappeuse Noname qui a sorti sa première mixtape ‘Telephone’ en Décembre 2016. Son rap poétique et expérimental a été salué par des Chance The Rapper, des Kendrick Lamar ou encore des Raury mais les critiques et les médias ont encore bien du mal à le mettre sur le même pied d’égalité que ces trois derniers. Dans un style plus Old school, Gavlyn et Reverie représente le rap de la West Coast et rejoignent la tendance du rap 90’s qu’a popularisé Princess Nokia. Gavlyn vient d’atteindre le million de vues sur son titre ‘We On’ avec Dj Hoppa sur Youtube.

En outre-manche, le rap n’est pas non plus une exception masculine. Little Simz se fait la digne descendante de Lauren Hill. Même si plus connue que les quatre rappeuses précédentes, peu de bruit a été fait autour de son excellent album ‘Stillness in Wonderland’ de 2016 alternant soul et rap et de son nouveau single ‘Backseat’ sorti le 10 mai dernier. Dans la même lignée, Ray BLK, apparaissant sur le nouvel album de Gorillaz et ayant collaboré avec Stormzy sur le titre  ‘My Hood’, s’impose au fur et à mesure sur la scène Britannique avec son titre ‘Patience’ sorti en mars dernier et son album ‘Durt’ dans lequel elle se revendique féministe et engagée auprès de la communauté LGBT.

La France compte, quant à elle, la troisième plus grosse scène rap au monde. Néanmoins c’est peut-être celle qui s’est le plus fermée aux artistes féminines. Après avoir permis l’émergence d’icônes du rap francophone dans les années 2000, plus aucune rappeuse n’a réussi à obtenir autant de reconnaissance que Diam’s qui en 2006 vendait le plus d’albums en France avec son disque ‘Dans ma bulle’.  Les deux seules artistes visibles aujourd’hui dans la sphère médiatique en ce qui concerne le rap francophone seraient Shay et Sianna, deux rappeuses qui s’alignent sur la tendance ego trip tout en essayant de la féminiser. À leurs côtés, Chilla pourrait bientôt prendre place. La rappeuse lyonnaise se définit comme une rappeuse féministe et s’attaque directement à la misogynie du milieu avec son flow violent à travers son titre ‘Sale Chienne’.  La dernière dont on pourrait parler est Maïcee. Elle a la particularité de mêler le reggae au rap et d’écrire ses textes en anglais. Son freestyle posté sur Youtube en février annonce un Ep plus que prometteur.

https://www.youtube.com/watch?v=05hs3fZIX4g&ab_channel=Maïcee

Ainsi, loin de la première réponse que j’ai pu entendre lorsque j’ai interrogé mon entourage « On ne parle pas de rappeuses parce qu’elles sont nulles. », nous constatons qu’en 2017, le parcours d’une artiste féminine est toujours contraint par un monde musical qui n’est pas forcément prêt à leur donner une place, une médiatisation timide voire absente et un public à l’opinion encore très conservatrice les poussant à l’autocensure.

 

Par Margaux PHILIPPON

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