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Le coup de projo #8 King Krule, roi des tourments mélodieux

Cette semaine, Start It a sorti une playlist avec les artistes desquels nous sommes un peu passés à côté en 2017. Aujourd’hui, il semblait nécessaire de faire la lumière sur un chanteur qui mérite qu’on eut parlé plus de lui. Andy Marshall, plus connu sous le nom de King Krule, est un jeune londonien de 23 ans. Sa voix écorchée – que certains qualifieront de peu travaillée – associée à des textes poignants, lui ont permis de se faire une petite place avec un rap jazzy mélodieux et torturé, qui n’appartient qu’à lui. Il ne faut pas se fier aux apparences : ce grand dadet en a sous la patte.

En 2013, son album “6 Feet Beneath The Moon” fit l’effet d’une bombe énigmatique des deux côtés de l’Atlantique et on comprend pourquoi. Sur la scène internationale, peu d’artiste ont une telle puissance vocale. Son univers, c’est celui d’un jeune à la recherche de stabilité émotionnelle. Décrié dans les médias, le jeune artiste aurait pourtant refusé une collaboration avec Kanye West. Rien que ça. Fin 2017, il revient avec “The Ooz”. Porté par l’idée que tout être humain est une usine à déchet, tant biologique que psychologique, obligé de mener une vie désespérée où l’âme et le corps s’entremêlent dans un but de destruction et de guérison simultanées, ce travail est le fruit d’une longue introspection. Dans une interview, il déclare « Tu ne peux rien y faire. Ton cerveau se bat constamment pour détruire ces idées infâmes qui te passent par la tête. J’étais obsédé par la pensée qu’un jour, je puisse ouvrir mon cerveau en deux et libérer tout ce qui brûle à l’intérieur, car je sentais qu’il y avait trop de merde qui mijotait là-dedans, trop de choses qui ne demandaient qu’à sortir. Je voulais me débarrasser de ce goudron, de ces saletés, et de mes démons ».

Food for thoughts, cela explique le nom de l’album qui traduit littéralement signifie « suinter ». L’artiste avoue avoir retravaillé longuement ses textes qu’il ne trouvait pas assez forts, et repensé la place de la guitare dans ses compositions qu’il voulait plus impactante. En 2016, King Krule rencontre un saxophoniste d’Amérique Latine, Ignacio Salvadoras, avec qui il composera quelques chansons. De cette collaboration nait « Logos » , une longue ballade jazz sombre qui incarne selon lui l’état d’esprit dans lequel il était durant la création de “The Ooz”. A mi-chemin entre l’odeur d’une cigarette consumée et celle d’une eau de Cologne, les notes de synthé et les envolées sensuelles du saxophone confèrent un rythme en cascade et nous donnent un goût d’éternité. Imaginer un évier qui déborde continuellement, c’est à peu près la même chose.

                King Krule dérange car il étonne, il est là où on ne l’attend pas, où on n’attend rien d’ailleurs. Ses textes traduisent toute la complexité de sa psyché. Dans « Biscuit Town » , il avoue avoir rêvé d’être Franco Zola, un footballeur italien révélé par le club de Chelsea : « still had dreams of being Franco Zola /  At least it’s over now ». Comme un parallèle avec sa carrière qui décolle modestement, l’artiste pose une deadline à ses rêves d’enfants, comme si les dés étaient jetés, le jeu établi d’avance, le destin d’ores et déjà écrit. A 23 ans, King Krule est au croisement entre le deuil de l’enfance et la prise de conscience existentielle du passage à l’âge adulte.

Ecouter “The Ooz”, c’est être assis sur le quai d’une gare, seul, tard le soir, et attendre le dernier train. C’est voir passer des gens qui rentrent chez eux, des jeunes qui se droguent, la démarche nonchalante, dans l’attente d’une transcendance, pris dans les filets d’un inconscient collectif, d’un XXIè siècle qui souffre en musique. Cet album est bel et bien né dans le souci du détail. Qu’on aime ou pas, il est certain que King Krule et sa voix déchirante ne laissent pas indifférent et peuvent même se révéler réconfortants ; idéal en ces temps froids.

Par Mélina Diago.

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