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Mate ton son #1 Start It en collab’ avec Extérieur Nuit : analyses de LOVE de Kendrick Lamar

Si on vous donne deux mots clés, « rappeurs » et « femmes », vous faites facilement le lien entre ces bad boys aux chaînes $ et la compagnie des jolies femmes qu’ils peuvent s’offrir. Orgies, escort, gold digger, rarement un rappeur ne se pose en couple, sinon pour très peu de temps. Mais comme pour tout, certaines exceptions sont parfois surprenantes. Pourquoi ne pas parler de Kendrick Lamar, en couple avec Whitney Alford depuis 2005 ? Ensemble depuis le lycée (le même que Dr Dre), c’est avec elle que le jeune prodige du rap US a gravi les marches du succès ; on dit toujours que derrière chaque grand homme se cache une femme…

DAMN, le majestueux successeur de How To Pimp a Butterfly sorti au printemps dernier a tout raflé sur son passage et a valu à Kendrick une nomination aux Grammys pour album de l’année. Dans ce puissant opus de 14 morceaux, c’est la chanson « LOVE » que le rappeur a dédié à sa bien-aimée. Véritable ode à l’amour éternel, il lui chante ses sentiments et son impossibilité à se passer d’elle. Un ride-or-die, tu connais ?

« Elle est là depuis le premier jour. Je n’ai pas envie de dire qu’elle est ma petite-amie. C’est ma meilleure amie. Je n’aime pas ce mot que la société nous impose ; pour autant qu’elle soit ma compagne, c’est quelqu’un à qui je peux parler de mes peurs » a déclaré Kendrick dans une interview en 2005, de quoi faire écho à la phrase du premier couplet « You’re a homie for life ». How cute is that.

Kendrick Lamar semble être un amoureux transi, et personne ne pourrait plus aimer sa femme que lui. Bien que les mots « Give me a run for my money / There’s nobody, no one to outrun me » soient prononcés par Zacari, ils pourraient très bien être considérés comme un défi lancé par le rappeur à ses adversaires disant : « je suis le meilleur dans ce que je fais, personne ne pourra me dépasser ni dans mon rap, ni dans l’amour que je porte à ma femme ».

« Sippin bubbly, feelin lovely, livin lovely » est la métaphore qui traduit l’ivresse amoureuse, en mettant en parallèle la sérénité que nous confère l’amour à celle de la légèreté des bulles de champagne. Les paroles dans le refrain sont «  I wanna be with you, ayy, I wanna be with / Just love me, just love me, just love me », et elles ne laissent aucun doute sur la force de son amour et sa volonté de persévérer dans leur relation. Ce qu’il aime chez elle, c’est ça « Bad attitude from yo nanny / Curves and your hips like your mama ».

Tu te souviens de la chanson « 21 questions » de 50 Cent en 2003 (si non, écoute-la, c’est une pépite), dans laquelle il questionne une femme sur son amour avec des paroles telles que « If I fell off tomorrow would you still love me ? / If I didn’t smell so good would you still hug me ? » ? Et bien Kendrick a repris la même forme grammaticale avec toujours la même idée derrière : s’il gagnait moins d’argent, l’aimerait-elle toujours autant ? Il semble avoir la réponse : pour lui, l’argent ne compte pas si elle n’est pas à ses côtés cf. « Don’t got you, got nothing ».

Que serait l’amour sans un peu de sexe ? Ici, Kendrick nous parle pas mal de ses relations intimes avec sa chérie. Il compare la force qu’il met dans leurs ébats à celle de Mike Tyson dans « Feelin like Tyson with it / Knockin it out twice I’m with it / Only for the night I’m killin », ou encore nous raconte dans le second couplet comment il a un jour filmé leur partie de jambe en l’air en utilisant l’appareil photo de son studio « Remember Gardena / I took the studio camera /  […] I had to do it, I want your body, your music » . Il semblerait que l’alcool le rende plus intuitif comme le laissent penser les phrases « Backstroke overseas / I know what you need ». Bourré, mais bien rodé sur le rodéo (ok, c’est nul mais c’était facile à faire). Si les émanations d’alcool s’évaporent après un certain temps, l’amour, lui, est toujours à la surface, et cette petite sauterie qu’est leur relation semble ne jamais prendre fin « This feeling don’t drought / This party won’t end ».

Les deux amoureux sont fiancés, comme le rappelle la phrase « Bought the big one to prove it » (il s’agit ici d’un gros caillou) et à en croire la presse people, Whitney Alford devrait bientôt mettre au monde un mini Kendrick. That’s real LOVE bro.

 

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Extérieur Nuit, la belle asso ciné de Kedge vous a préparé une analyse du clip, qui narre une histoire un poil plus complexe que celle présentée dans les lyrics. Le réalisateur du clip, Dave Meyers, est très reconnu dans la musique américaine. Il compte à son actif près de deux cents clips musicaux. Il a également réalisé le clip de Humble (400 millions de vues) mais il a aussi travaillé avec des artistes comme Katy Perry, Rihanna ou encore Justin Timberlake.

C’est parti pour une petite analyse plan par plan du clip, tu suis toujours ?

Le premier plan du clip montre Kendrick, sur une plage, regardant l’horizon. Il sonde le futur, s’interroge sur son avenir. La mer représente l’incertitude, il s’embarque pour un voyage dont il ne connaît pas l’aboutissement et qui présente de nombreux obstacles. Ce voyage c’est l’amour, avec ses tentations et ses engagements. Le soleil est aussi très symbolique ici : il se couche, la nuit va venir et donc les problèmes et le doute vont s’installer progressivement chez le chanteur. Son attitude renforce l’incertitude de son futur : il avance tête baissée avec sa capuche.

On suit ensuite les différentes étapes de sa relation amoureuse qui va d’ailleurs très vite se dégrader. L’amour est représenté dans ses premiers temps, faits de joie et de partage dans le couple. On en retire l’image d’un couple uni, très amoureux et très complice. Ils n’hésitent pas à commencer des ébats amoureux sur la table. Ensuite les premiers problèmes arrivent : le dialogue disparaît, ils ne partagent plus rien, ils se tiennent plus éloignés l’un de l’autre (ils étaient côte à côte autour de la table au début, ils ne le sont plus maintenant). La femme quitte la table, son visage trahit à la fois son ennui de la situation mais aussi son désespoir face à l’écroulement de son couple. Kendrick ne semble pas vouloir regarder la situation en face, il ne regarde pas sa compagne partir et semble vouloir rester dans sa bulle. Arrive alors la scène inévitable de la dispute. Elle est violente, la femme lance beaucoup d’objets de la table. Cette table d’ailleurs figure ici comme un témoin à part entière de l’évolution de leur couple. L’attitude de la femme est radicalement différente de celle de Kendrick : alors qu’elle semble vouloir lui reprocher des choses et l’alerter de la situation, il affiche une gestuelle d’une personne qui nie et ne reconnaît pas ce qu’on lui reproche.

Kendrick est alors seul, il boit, les pieds sur la table. L’alcool représente ici un recoure, une solution à ses problèmes. Il ne semble pas cependant très abattu de la situation mais il est inévitablement aspiré par la dépression.

Après la dépression, le clip enchaîne par des plans de nombreuses femmes représentant la tentation pour le chanteur : maintenant qu’il est libre, ses pensées se tournent vers les autres femmes, il pense notamment à assouvir des besoins physiques. Les femmes représentées sont très anonymes, elles ne sont personnifiées que par la sensualité de leurs corps et ceci est accentué par la mise en scène très James Bond. Et comme nous savons que les femmes dans la saga d’espionnage sont avant tout des personnages destinés à être conquises par James Bond, cela renforce ce sentiment que, dans le clip, ces femmes ne sont que des probables conquêtes sans lendemain. La mise en scène met très en avant les formes voluptueuses, la personnalité n’est absolument pas la priorité, seuls compte la sensualité et l’émotion. Dans les plans suivants, on aperçoit des corps multipliés, les visages ne sont même quasiment plus visibles, ce qui confirme encore que Kendrick ressent cette tentation.

 

Dans le deuxième chapitre, Kendrick est très entouré, mais on le sent très seul : il n’est pas accompagné de la bonne personne. Il désire être avec elle, c’est la seule qui compte. Il tente de se changer les idées avec son ami mais rien à faire, la femme reste dans ses pensées, il ne peut s’empêcher de penser à elle. Lorsqu’il est assis sur le lit de la femme, la couleur bleue est très dominante à l’écran. Ceci est une référence au film Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick qui parle aussi du couple et de la tentation et qui contient une séquence dans une chambre avec comme couleur dominante le bleu. Les tentations autour de lui ne semble pas l’intéresser mais elles restent présentes. Il essaie de s’en détourner mais il est encerclé.

Il retourne finalement chez cette fameuse femme. Il est résigné à accepter que c’est elle qu’il aime plus que tout ( il répète sans arrêt “ je veux être avec toi “ ). La fin se termine dans la voiture, ce qui fait penser que son voyage n’est peut être pas totalement fini, le jour ne s’est pas encore levé, il y a donc surement chez Kendrick des doutes et des incertitudes qui persistent.

 

Une analyse technique s’impose. On trouve dans ce clip une grande diversité de plans et de techniques cinématographiques. D’abord il y a l’utilisation fréquente du ralenti, comme pour signifier que le temps s’arrête ou du moins se ralenti aussi. Ces ralentis aussi sont utilisés pour mettre en valeur la sensualité des tentations auxquelles est confronté Kendrick (ralentis complétés de plans rapprochés pour faire sentir le désir du personnage au spectateur) et aussi pour faire appel à ses souvenirs avec la femme qu’il aime.

L’évolution du couple est filmée en travelling arrière court, qui symbolise l’éloignement progressif de l’homme et de la femme. Ce travelling est répété plusieurs fois pour accentuer cet effet. Et en retour, leurs souvenirs sont filmés en travelling avant, pour montrer le temps où ils étaient proches.

Enfin, la scène où Kendrick rentre chez la femme est filmé avec un léger zoom, comme pour signifier qu’il y a eu un léger rapprochement des deux personnes ou du moins qu’un premier pas est franchi pour améliorer la situation.

 

Le petit plus qui n’a pas échappé à l’œil aguerri d’Extérieur Nuit est… un clap de cinéma qui fait son apparition. Si on regarde bien il y est inscrit : B.Panther – Soundtrack – Coming soon. Sorti le 21 décembre 2017, Kendrick en a profité pour teaser sa présence sur la bande originale de Black Panther (sortie le 14 février 2018)

 

Plus haut, nous avons évoqué le lien à James Bond. Le plan montrant des femmes dans l’ombre avec une couleur or orange est une référence aux génériques des films d’espionnage James Bond. En effet, ces films mettent en scène des femmes avec des jeux de lumière et d’ombre dans la quasi totalité de leur générique. La scène de la chanson se rapproche très fortement du générique de Goldeneye (1995) puisqu’elle réutilise les mêmes couleurs et la même mise en scène de corps féminins jouant avec l’ombre et la lumière. De plus, le plan suivant avec les corps multipliés recouverts d’argent font référence à deux autres films de la saga britannique : les corps recouverts sont une référence à Goldfinger (1964) qui montrait des femmes recouvertes d’or, et la multiplication des corps est aussi présente dans le générique de Skyfall (2012).

En conclusion, dans ce clip, Dave Meyers a souhaité mettre en avant le corps de la femme et son importance. En filmant de cette manière et en la plaçant très souvent au centre, il y a une volonté de faire briller la femme. On y voit par exemple une femme enceinte pour rappeler que la femme représente la vie.

Par Guillaume Boisseau, Jean-Philippe Dumont, Almog Cohen & Mélina Diago.

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