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[Live Report] CLIMAX 7/09 : Le livre de la jungle

A l’heure des gros festivals organisés par des multinationales comme LiveNation (Lollapalooza), ou rachetés par de riches mécènes comme Matthieu Pigasse (Rock en Seine), le Climax se pose en institution d’un autre genre.
Passer ses portes, c’est accepter une démarche responsable et un engagement dont peu de festivaliers témoignent dans leur vie quotidienne, dans un univers unique savamment pensé.

Le festival est divisé en cinq scènes dont deux imposantes : la scène Singe et la Scène Vortex qui accueillent les têtes d’affiches. Et d’emblée, la force de la scénographie, des installations, des peintures attirent notre attention comme si le Climax était un monde parallèle, un désordre organisé avec ses multiples scènes, hangars et pièces réaménagées où les festivaliers se croisent mais ne se bousculent jamais. Des gueules de singe, des flippeurs, une vieille rame de tramway, presque un musée d’art contemporain à ciel ouvert qui reflète avec justesse une programmation éclectique. Le parti pris du Climax 2018 semble être la découverte, et son objectif la sensibilisation pour la cause environnementale à la veille d’une journée de mobilisation nationale, une line up surchargée de grands noms serait alors incohérente.

Jour 1 : Arrivée dans la jungle

Après avoir dégusté un bagel dans un des nombreux foodtrucks entourant le Bowl, tous végétariens, on se dirige vers le concert de Chassol. Et on se dit que l’on est plutôt bien, entourés par ces visages de singes bienveillants qui nous observent, en colère ou rieurs, ils peuplent les murs de l’Espace Darwin pour toujours nous rappeler d’où l’on vient. D’ailleurs la performance de Chassol intègre les sons d’animaux, d’oiseaux, et leur musique finit par ressembler à une bande originale de films indépendants, nous n’en sortons pas totalement convaincus.

The Darlings, dont le chanteur est un étonnant mélange entre Le Chapelier Fou d’ Alice au Pays des Merveilles, Angus Young et Bob Dylan époque années 60 (j’ai juré), nous réveille après les doux chants d’oiseaux. Un petit rock à base de « yeah yeah yeah » et de « oh baby » nous a fait nous tortiller quelques minutes, jusqu’à ce que le chanteur annonce une reprise de Michel Polnareff assez étrange. Il s’agit bien d’une version hard-rock de la Poupée qui fait non… pourquoi pas après tout.

C’est alors que la voix de Clément Bazin, qui a investi la scène Singe, résonne au micro. L’électro bien reconnaissable du jeune français de chez Nowadays Records alliant de multiples percussions à d’étranges instruments fait son travail auprès de la foule qui commence à s’y intéresser sérieusement. Toutefois, on découvre ici Clément Bazin un peu trop bavard qui dans des élans de joie sincères, ne peut s’empêcher de demander au public bordelais s’il va bien trop fréquemment. Peu importe, la nuit est tombée sur le Climax, les basses commencent à résonner tandis que les Hommes se font Animaux.

Les lumières multicolores et chaleureuses de la scène nova nous accueillent pour le set de Nabihah Iqbal, petit bout de femme que l’on aperçoit à peine derrière les platines, mais dont la tech-house dansante est indéniablement efficace.

DJ Pone, ex membre de Birdy Nam Nam, débarque alors avec fracas sur la scène Vortex pour un set orageux, à la scénographie incroyable. La foule est désormais immense, pour voir celui qui jongle avec les styles : minimale, techno, trip hop. On reconnait des extraits de son dernier album Radiant, salué par le célèbre producteur Philippe Zdar, qui viennent ponctuer un set ultra technique qui vient même parfois tirer des inspirations dans la Bass Music. Ce fut donc un grand coup de cœur pour certains, tandis que d’autres ont jugé ce style un peu trop violent et peu adapté à l’esprit du festival !

Fuyons reposer nos oreilles à la scène nova où s’installe l’incroyable Keb Darge, vieil anglais aux lunettes noires et verre de whisky, en plein rangement de ses 45 tours. Il nous offre un pur moment de bonheur à base de vieux rock des années 50, de morceaux rockabilly oubliés sur lesquels on ne peut que se déhancher seul ou accompagné. Lorsque l’on rétorque à Keb Darge qu’à ses débuts en 1976 nous n’étions pas nés, il nous répond avec un air malicieux « Personne n’était né, il n’y avait que moi et mes disques ».
Le Climax semble alors être un îlot hors réalité où chacun esquisse ses meilleurs pas de danse comme s’il jouait dans Grease, et les singes sur les murs doivent sûrement se moquer de certains d’entre nous.

La tête d’affiche de la soirée, Mr Oizo finit d’exciter une foule déjà survoltée par DJ Pone. On se prend à croire au Vous êtes des animaux de Quentin Dupieux, tandis qu’on danse entre les photos d’ours polaires et les crinières de lion. Flat Beat résonne dans Darwin, et les trentenaires qui l’écoutent depuis 1999 se trémoussent avec frénésie à nos côtés. Welcome to the jungle.

Jour 2 : La brutalité d’un combat

Alors que des milliers de participants à la Marche pour le climat brandissaient leurs pancartes pour dénoncer un monde qui s’autodétruit, parfois avec une violence verbale inédite, le Climax s’est fait le reflet de cette colère.

Le groupe de post-punk parisien Rendezvous ouvre le bal. Tous vêtus de noir, lunettes de soleil et tatouages tout en nonchalance, le guitariste exhibe un tee-shirt de Nick Cave. La foule curieuse s’amasse, pour assister à une violence musicale non seulement efficace mais touchante. Au rythme des lignes de basse et du tempo rapide de la batterie qui nous font tant penser à Joy Division, les Doc Martens tapent sur le sol. Un des deux chanteurs du groupe prononce un sobre « Merci » au public, et lorsque nous le recroisons plus tard dans la soirée pour le féliciter, il nous dit humblement la même chose. Leurs cris graves révèlent une réelle sensibilité poétique qui vous touche, ou au pire vous intrigue car du noir qui les habite, semble se dégager de la lumière.

A 20h45 pétantes, une autre forme de brutalité s’impose. La foule désormais immense s’amasse pour accueillir Denzel Curry, qui débute avec Clout Cobain, comme une métaphore filée. Dans une ambiance survoltée entre pogos et jets de bière, l’artiste, pas plus vieux que nous continue de sauter dans l’obscurité, jonglant entre haine, souffrances et drame de sa jeunesse. On comprend alors la proximité évidente entre l’état d’esprit punk et le rap, quand le flow acéré de Denzel Curry nous présente des bribes de ses trois projets intitulés chacun Light, Grey et Dark. Un échappatoire ou un simple moment de fête, Denzel Curry nous a fait perdre la notion du temps… et de ce qui est bien ou mal.

Quel dommage que DJ Falcon contraste tant, avec son électro impeccablement maîtrisée mais qui nous semble trop propre dans toute cette sauvagerie. La foule devient mollassonne, devant celui qui a travaillé pour Cassius ou encore sur le dernier album des Daft Punk, Random Access memories.

Surgissant de l’obscurité, Arnaud Rebotini s’impose comme le Parrain. Son live démarre par Pagan Dance Move et le public renoue avec son animalité. Cet artiste hors norme que beaucoup ont découvert grâce à la bande originale de 120 Battements par Minute a pourtant expérimenté la musique sous toute ses formes depuis bien longtemps. Lui qui avait un groupe de rock avant de se mettre à la techno, exhibe un look entre Johnny Cash et Freddie Mercury, Rebotini finira par enlever sa veste de costard, posée nonchalamment sur une de ses machines. Une telle technicité nous tient en haleine, possédés par les sombres tours et détours de sa techno rugissante.

Enfin vient le tour du très attendu Etienne De Crecy qui débarque tout sourire devant une foule chauffée à blanc. Il démarre donc un set très représentatif de son style, alliant de puissants synthés à des rythmes très énergique et dansants. On a pu notamment redécouvrir des titres emblématiques comme No Brain, Binary, ou le clou du spectacle : l’incroyable Hours. Alors, bien que son style unique contrastât beaucoup avec celui de son prédécesseur ce qui a soulevé quelques critiques, Etienne de Crecy s’affirme comme un pilier incontournable de la musique électro française.

Lily Decorse, Bastien Bellamy

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