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Le hip-hop et la politique : Je t’aime moi non plus. Première partie.

  Le hip-hop et la politique : Je t’aime moi non plus (Première partie)

Les relations entre le hip-hop et la politique ont toujours été remplies de frictions, de divergences d’opinions et surtout de censures. Là où les manifestations, les grèves, les mobilisations d’étudiants, d’ouvriers, des minorités ne suffisent plus quoi de mieux que de laisser le micro à des gens qui savent manier les mots pour marquer les esprits.

 

Remontons aux origines du hip-hop dans les années 70 dans l’Etat de New York plus précisément dans le sud du Bronx, berceau du hip-hop et de la culture hip-hop. Dans un ghetto nommé Bronx River, majoritairement peuplé par des afro-américains subsiste une organisation de personnes désireuses d’exprimer leur mécontentement des conditions sociales et leur sentiment d’abandon par les pouvoirs politiques, à travers le hip-hop. Cette organisation se nomme la « Zulu Nation », dirigée par DJ Afrikaa Bambataa. La Zulu Nation est la première organisation à vocation sociale et politique de la culture hip-hop. Elle a rassemblé des poètes, des dj’s , des danseurs, des rappeurs mais aussi des fans de hip-hop qui sont désireux de s’épanouir et de profiter de la vie de manière saine et joviale à l’écart du crime et de la violence de leur quartier. Ainsi la Zulu nation est une forme de canalisation de la violence par l’exercice d’arts tels que la danse, la musique et la peinture. Il faut savoir que les artistes hip-hop phares des années 80 et 90 ont été influencés par les valeurs de la Zulu Nation. Par ailleurs, la Zulu Nation a permis de faire émerger des artistes hip-hop engagés qui n’hésitent pas à parler du rôle de la femme dans la société tels que Queen Latifah avec sa chanson Ladies First (1989) ou encore du racisme ambiant qui règne aux USA avec des artistes tels que A tribe called Quest, Public Enemy ou Ice Cube.

La Zulu nation a été une influence discrète mais efficace sur le rôle politique du hip-hop.

 « F*** THE POLICE »

Les bavures policières et les conditions sociales désastreuses que subissent les minorités des classes populaires enveniment cette défiance du hip hop face aux autorités politiques. Avec la Zulu Nation et l’émergence des Black Panther aux USA, la contestation devient plus frontale, directe et exprimée de manière explicite dans les chansons de rap. Que l’on vienne de la cité des 4000 à La Courneuve (93) ou de Compton (Californie), la gronde du hip hop se fait entendre. Le hip-hop est un canal d’expression pour le mécontentement. Ce sont les jeunes qui écoutent majoritairement du hip-hop, particulièrement parce qu’ils se reconnaissent dans les paroles des artistes. Les textes décrivent de la colère, de l’incompréhension envers une société qui semble ne pas vouloir accepter une certaine partie de la population.

Dans les années 80 aux USA, le Gangsta Rap est une nouvelle forme d’exprimer également un message politique. Le Gangsta rap a toujours eu la réputation de faire l’apologie du crime, de la violence et du machisme. Néanmoins, hier comme aujourd’hui, lorsqu’on est confronté à ce genre de chanson il faut chercher à comprendre le fond et ne pas s’attarder sur ce qui nous paraît tout de suite évident. Dans le Gangsta rap, il y a également une dénonciation criante du racisme et de la xénophobie pratiquée par l’Etat. Si l’on s’attarde attentivement sur certains morceaux, les artistes ne font que décrire leur quotidien : les contrôles au faciès, des bavures policières, des politiques sociales qui ne fonctionnent pas, dont les conséquences sont la drogue, les gangs et la paupérisation des minorités. Par conséquent, le Gangsta rap est peut-être explicite et violent cependant il se dégage une dimension politique. Des morceaux tels que « 6 ‘N the morning » par Ice-T ou encore « Fuck tha police » par NWA en sont l’exemple.

N.W.A (N*** WITH ATTITUDE) le célèbre groupe de rap Californien composé de Dr Dre, Ice Cube, Eazy-E (Repose en paix mon gars), MC Ren, DJ Yella et Arabian Prince ont décidé en 1988, de balancer un morceau qui va retentir jusqu’aux murs de la Maison Blanche. « FUCK THA POLICE ». L’histoire de cette chanson écrite par Ice Cube et produite par Dj Yella et Dr Dre, est le symptôme du dégout et de la méfiance des minorités envers les autorités politiques. En effet certains membres de NWA ont été arrêtés, menottés et brutalisés sur le trottoir lors d’une patrouille de la police. Il n’est pas rare que la police fasse du contrôle au faciès et cela que ce soit aux USA ou même en France. Les jeunes se sentent logiquement persécutés et fichés comme des délinquants alors qu’ils s’amusent simplement sur le bord de la route. Au-delà de ce contrôle de police houleux, « Fuck tha police » est un hymne au ras de bol de la police et de ses abus quotidiens dans les quartiers. Ice cube dit dans son premier couplet «They have the authority to kill a minority ». Une phrase qui décrivait la réalité que vivait Ice Cube et que de nombreuses minorités américaines vivent encore aujourd’hui.

Tupac, l’activiste engagé

Tupac disait lui-même, que s’il avait vécu plus longtemps, il aurait fait de la politique. A défaut de ne pas avoir eu une carrière politique, Tupac a su transmettre son militantisme et son activisme dans sa musique. Il appelle à la réflexion sur la pauvreté, le racisme, la guerre des gangs, des faits que Tupac a dénoncés jusqu’à sa mort.

Dans la chanson “White man’z world” qui apparaît dans son album The Don Killuminati (sous son pseudonyme Makaveli), il parle d’une société qui ne change pas, d’une société qui n’accepte pas les noirs américains. Il juge le monde inégalitaire. Tout comme dans la chanson « Changes » il fait le constat d’une société qui vacille entre pauvreté, meurtres, racisme et inégalité. Une situation qu’il décrivait il y a près de deux décennies est toujours d’actualité.

Tupac a inspiré toute une génération de futurs artistes hip-hop, tels que Kendrick Lamar, Kanye West pour ne citer qu’eux.

Des paroles réactionnaires, virulentes en phase avec la réalité que vive la plupart des acteurs du hip hop. Comme lorsque Kanye West en 2005 a déclaré de manière assez spontanée à la télévision américaine : « George Bush doesn’t care about black people” (George Bush ne se préoccupe pas des noirs américains). Une phrase qui semble provocatrice dans sa formulation mais qui est en réalité bien plus profonde, du fait qu’elle soit dite publiquement sur un média regardé par des millions d’américains, en direct, par un artiste de hip hop très populaire.

LE RAP CONSCIENT

Mais le hip-hop a su développer un sous-genre qui met au centre de l’attention la politique et la société, il s’agit du rap conscient. Le rap conscient et engagé découle des valeurs du hip-hop que la Zulu nation a tenté de mettre en valeur et inculqué aux futurs artistes hip-hop.

En tant que pionnier du hip-hop et de ses valeurs engagés et politiques, il est primordial d’évoquer, GIL SCOOT HERON. Dans le contexte politique particulier des années 1960 et 1970, avec la guerre du Viêt-Nam, le FBI qui s’est mis en chasse du mouvement Black Panther et avec les assassinats de personnages politiques importants tels que John Fitzgerald Kennedy, Martin Luther King ou encore Malcom X, Gil Scott se fait remarquer par sa plume engagée sur son fameux poème « THE REVOLUTION WILL NOT BE TELEVISED ». Un poème splendide aux paroles acérées, entre poésie, jazz et rage politique qui représente fièrement les valeurs du hip-hop. Dans ce poème il ne s’attaque pas qu’aux pouvoirs politiques mais également aux médias. Gil Scott Heron peint avec des mots l’hypocrisie et la complicité entre les médias et les instances politiques envers les minorités et les classes populaires. Le monde que nous vend les médias est illusoire et trompeur mais il est permis grâce à l’action politique. C’est le message que Gil Scott Heron souhaite nous faire passer. Alors vous pouvez être sûr que « the revolution will not be televised » (la révolution ne sera pas télévisée). La révolte populaire, la gronde et le mécontentement des minorités sont ignorés par les médias. Cette révolution que Gil Scott Heron désire ne viendra pas de NBC, Fox News ou du bureau de l’ancien président Richard Nixon mais du peuple lui-même.

Encore aujourd’hui des artistes hip-hop sont inspirés et fascinés par Gil Scott Heron.  Des rappeurs tels que Common, Kanye West avec « Who will survive in America » ou encore Pusha T n’hésite pas à lui rendre hommage et à le remercier de son engagement.

Pour citer des œuvres musicales contemporaines, des chefs d’œuvres tels que G.O.O.O kid M.A.A.D City et To Pimp a Butterfly de Kendrick Lamar sont au-delà d’un storytelling de sa vie, car ce sont des albums assez politiques, engagés qui dressent le constat alarmant que Compton, la ville avec le plus haut taux de criminalité des USA il y a 30 ans est resté la ville avec l’un des plus hauts taux de criminalité aujourd’hui. Une nouvelle génération d’artistes tente malgré les tendances actuelles de se mettre au service de leur communauté et de politiser un peu plus leurs textes. Aux USA avec des artistes tels que J Cole, Vic Mensa, Open Mike Eagle ont aujourd’hui la réputation d’être des artistes engagés et en France, il y a Kery James, Médine ou encore Youssoupha.

En France le rap conscient s’est révélé avec le morceau « LOIS CONTRE LES RACISTES » sorti en 1997, rassemblant un collectif de rappeurs Akhenaton, Freeman, Mystik, Assassin, Aze, Djoloff, Fabe, Kabal, Ménélik, Passi, Stomy Bugsy, Rootsneg, Sleo, Soldafadas, Yazid, Arco, Jean-François Richet, White & Spirit, Radikalkicker.  Les inégalités sociales et économiques, les discriminations, le racisme de la société française et du gouvernement, sans oubliés les bavures policières, sont les sujets abordés.

Cyril Kabuya Kaniki.

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