Atlanta est aujourd’hui la plus grande ville du rap, c’est indéniable, et l’influence de ses rappeurs aux quatre coins du monde est difficilement mesurable.
Cette ville a connu, et connaît toujours, un bon nombre de rappeurs placés au top du game depuis les années 2000. Cela s’est mis en place grâce à une différenciation par rapport aux deux autres villes majeures américaines (New York et Los Angeles) ainsi que par la création de son propre son. De ce fait, on a pu assister à l’avènement du style Dirty South et de la Trap Music, qui a connu plusieurs phases. On aurait pu vous faire une présentation de la première phase de ce mouvement ou encore de celle de l’arrivée des premières grosses têtes d’ATL (Young Jeezy, Gucci Mane, T. I, Ludacris…), mais il y a un bien trop grand nombre d’articles et de vidéos à ce sujet pour cela.
Ce qui nous intéresse surtout ici, c’est la deuxième phase de la trap d’Atlanta (dont la naissance remonte autour de l’année 2010) A ce moment, les têtes d’affiche connaissent un changement non négligeable (Future, Waka Flocka Flame et toujours Gucci Mane malgré ses allers-retours en prison …) et la musique aussi. Les paroles deviennent plus brutales mais aussi plus simples (les rappeurs n’en perdent pas leur sens de la punchline pour autant). Les productions évoluent également, notamment avec Lex Luger comme beatmaker phare.
C’est ce rap qui retiendra l’attention de Kaaris et de Therapy 2093, à une période où le rap de rue tourne en rond en France. De là, viendra le succès unanime de l’album Or Noir et l’arrivée de la trap au sein de l’Hexagone ; début d’un profond changement dans le rap français, tant dans la forme que dans le fond.
Le rôle de Kaaris est crucial dans cette chronique. On pourrait ici le comparer à Gucci Mane, toutes proportions gardées. Nous pouvons rapprocher Guwop d’un parrain par rapport à la scène actuelle d’Atlanta. En effet, celui-ci a toujours été ouvert aux collaborations avec les autres rappeurs de sa ville, sauf ceux avec qui il ne s’entendait pas, évidemment. Il est alors possible d’observer un grand nombre de featurings et de mixtapes communes, avec pas mal de rappeurs plus jeunes tels que Future ou 21 Savage. Gucci Mane a toujours usé de son influence pour donner un coup de pouce aux débutants, et quasiment tous les jeunes d’ATL le respectent et lui sont redevables.
A l’image d’Atlanta il y a deux décennies, la ville de Sevran n’était pas spécialement implantée sur la scène du rap français avant l’arrivée d’Or Noir. L’une des caractéristiques principales du rap de Kaaris était l’évocation récurrente de sa ville d’appartenance, Sevran, (via l’abréviation « S.E », ou tout simplement le code postal de la ville « 93270 »). Le rappeur a toujours eu la volonté de mettre sa ville sur la carte en tant que capitale de la trap au niveau national à l’image de son homologue américain, Kaaris n’a d’ailleurs jamais caché son admiration pour ce dernier.
Après avoir affirmé son statut de représentant de la ville du 93, et fort du succès d’Or Noir et de sa réédition, notre roi de la trap a cherché à faire rayonner sa ville en aidant d’autres rappeurs sevranais, et ce, jusqu’aujourd’hui encore. On retrouve des rappeurs qui reprennent alors les mêmes thèmes que Kaaris en termes d’écriture (violence, trafic de drogues, cocaïne notamment…) ce qui les rend assez reconnaissables, mais qui leur confère évidemment aussi un style bien propre à eux. De Ixzo à Da Uzi en passant par 13 block, bon nombre d’entre eux auront eu l’occasion d’être en featuring avec Kaaris.
Aujourd’hui, les temps ont changé, le succès de Kaaris est de plus en plus plombé par son clash avec Booba et les anciens « petits nouveaux » s’installent de plus en plus : 13 block remplit l’Olympia, Kalash Criminel a deux projets certifiés disques d’or… Bref, les artistes de Sevran peuvent désormais briller par eux-mêmes et la ville est définitivement implantée comme l’une des plus influentes du rap français à l’image de Paris, Marseille ou même Evry actuellement.
Pourquoi, alors, comparer ATL à Sevran et pas à une autre des villes françaises citées ?
D’un point de vue chronologique, Atlanta s’est imposée dans le rap de manière durable après New York et Los Angeles, dans l’ordre, alors que c’était une simple « ville du Sud » de la scène américaine comme tant d’autres (Memphis, Miami etc… Pour ne citer qu’elles) et elle a ensuite démocratisé la trap à l’échelle nationale. Ici le schéma est presque similaire, toutes proportions gardées bien évidemment : la scène parisienne (IDF), la scène marseillaise puis une « ville du 93 » qui se démarque et lance un mouvement, qui plus est, est le même que celui d’Atlanta.
Un autre point commun est l’esprit de solidarité qui règne dans ces villes. Tout le monde n’est pas ami avec tout le monde mais la plupart se soutiennent mutuellement. Cela se traduit par des featurings (Gunna, Lil Baby, les membres de Migos, Future, Young Thug, etc. …), des apparitions dans les clips ou dans les « Planète Rap » de l’un ou de l’autre dans le cas de nos rappeurs français, ou même un simple partage sur les réseaux sociaux.
On leur souhaite d’avoir le même succès commercial que leurs homologues américains tout en continuant de faire ce qu’ils font si bien et en restant eux-mêmes. Mais pas d’inquiétude là-dessus, car nous parlons des types qui viennent de « là où on fuck les cops ».
Enjoy & Stay Tuned.
Eliezer Mulaja