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L’utilisation de la musique classique pour représenter les méchants dans le cinéma

La musique fait partie intégrante du cinéma, des dessins animés aux films d’horreur, elle permet d’installer une tension, un sentiment de joie ou de la tristesse. Mais, il y a une question que je me pose depuis un moment : pourquoi les méchants sont-ils souvent accompagnés ou représentés par de la musique classique ?

Il y a plusieurs réponses à cette question : l’impact de la musique classique sur le cerveau, l’élitisme qu’elle représente, l’effet de contraste cognitif, l’effet qu’elle donne au méchant et d’autres explications plus techniques.

Des études ont prouvé que la musique classique influe de façon positive sur le cerveau : elle permet de calmer les angoisses, d’améliorer l’humeur et même de réduire la douleur. Mais, elle peut aussi induire un sentiment de stress, d’anxiété, et agir de façon « négative » sur le cerveau, ce qui est beaucoup utilisé dans le cinéma pour représenter des méchants ou pour accompagner des scènes violentes. Les tonalités mineures, les dissonances, les rythmes irréguliers, les tempos lents et les répétitions dans des compositions participent tous à la création d’une musique triste ou angoissante.

Par exemple, une dissonance est un manque d’harmonie ou de cohérence, provoqué par un écart de note qui sonne comme faux. Le cerveau humain, qui recherche constamment de la cohérence, ressent un inconfort à l’écoute d’accords dissonants. De même pour l’irrégularité rythmique, selon une étude datant de 2008, les rythmes irréguliers activeraient les zones de vigilance du cerveau, créant une sensation d’instabilité et augmentant la tension émotionnelle. Le Sacre du Printemps de Stravinski représente une parfaite combinaison de dissonance et de rythme irrégulier.

Les tonalités mineures, quant à elles, rendent les compositions tragiques et tristes. Dans ce registre, nous pouvons citer Requiem de Mozart, Symphonie n° 7 de Beethoven, L’Hiver des Quatre Saisons de Vivaldi, Symphonie n° 40 de Mozart, la très connue Lettre à Élise de Beethoven, et bien d’autres encore. Les tempos lents, eux, installent une anticipation anxieuse, le cerveau attend quelque chose qui ne se passera pas, ce qui permet de maintenir une tension constante. Enfin, les motifs répétés installent une menace cyclique, une obsession comme Symphonie n° 5 de Beethoven, et Toccata et Fugue de Jean-Sébastien Bach qui est devenu un symbole des méchants gothiques comme Dracula ou le Fantôme de l’Opéra.

Ses constructions propres à la musique classique permettent de faire ressentir aux spectateurs de l’angoisse, de la peur ou de la tristesse, ce qui est vivement exploité par l’industrie cinématographique.

Par ailleurs, longtemps, la musique classique a été jouée pour des personnes de la haute société, beaucoup de compositeurs étaient proches des rois ou des aristocrates et composaient à leur demande. C’est pour cela que nous avons aujourd’hui une vision un peu élitiste de la musique classique. Par conséquent, un méchant écoutant de la musique classique paraît comme une personne ayant du pouvoir et de l’autorité, ce qui est bien plus angoissant qu’un méchant disposant de peu de moyens pour faire le mal. Notamment dans Sherlock Holmes : Jeu d’Ombres (2011), le grand méchant du film, professeur Moriarty, aime beaucoup Schubert. C’est un grand professeur d’université, mathématicien de génie et homme cultivé, qui, pour s’enrichir et obtenir du pouvoir, orchestre une série d’assassinats afin de monter les pays d’Europe les uns contre les autres et de tirer du profit de leurs conflits. Un plan calculé et réfléchi. Ici, son goût pour la musique classique accentue sa culture, ce qui symbolise une supériorité intellectuelle utilisée à mauvais escient.

Scène de rencontre entre Sherlock Holmes et le professeur Moriarty (1:18 de l’extrait)

Un élément rejoint l’élitisme associé à la musique classique dans les films : c’est l’effet que cette dernière donne au méchant. Nous l’avons vu, un méchant venant de la haute société et cultivé nous paraît plus menaçant. De la même manière, la musique classique fait paraitre le méchant comme quelqu’un de calme et de réfléchi, à l’inverse d’une personne colérique qui se laisse guider par ses impulsions. Le fait qu’il reste impassible et sans émotions face à ses crimes le rend encore plus effrayant : le méchant ne tue pas dans un accès de violence, et c’est précisément ce qui nous glace le sang. Par exemple, dans Le Silence des Agneaux (1991), Hannibal Lecter est un tueur en série, psychopathe, cannibale, ancien psychiatre doté d’un calme déconcertant, qui écoute du Bach et du Mozart. Ici, la musique classique souligne son calme, son intelligence, sa maîtrise de soi. C’est un personnage ordonné, qui ne se laisse pas guider par ses émotions et qui sait parfaitement ce qu’il fait.

Ensuite, il existe ce qu’on appelle l’effet de contraste cognitif. Ici, nous allons aussi faire un lien avec la représentation de la violence dans les films. Il s’agit d’un biais de jugement qui fait que la perception d’une information est affectée par la perception d’une autre information de nature opposée. En d’autres termes, il s’agit de la manière dont un individu perçoit une information en fonction d’une autre information opposée. Les séquences violentes accompagnées de musique classique, qui est normalement perçue comme apaisante et raffinée, forment un contraste dérangeant entre la violence de la scène et l’élégance de la musique. Ou encore, dans le cas de V pour Vendetta (2005), où une musique triomphante, Ouverture 1812 de Tchaïkovski, accompagne des explosions qui sont en fait un acte de destruction. On peut aussi penser à la scène du baptême à la fin du film Le Parrain (1972). Ce n’est pas une œuvre classique préexistante, mais une composition créée pour le film qui reprend les codes du compositeur baroque Jean-Sébastien Bach. La musique tragique, qui joue alors que se déroulent des assassinats violents, rajoute une dimension à la scène qui ne serait pas aussi dramatique sans elle. Par ailleurs, dans cet extrait, la musique est très symbolique, car l’orgue est un instrument que l’on trouve principalement dans les églises. La mélodie nous paraît donc religieuse, ce qui contraste complètement avec le personnage de Michael Corleone, qui affirme renoncer au mal alors même qu’il devient le nouveau Parrain.

En somme, la musique classique dans les films renforce notre perception des personnages, qu’ils soient bons ou mauvais. Elle permet de rendre un méchant encore plus mauvais, plus effrayant et plus angoissant. Les films en deviennent plus marquants et plus impactants sur le spectateur.

Marie ; )

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