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Quand les artistes sont victimes de leur public…

Une “zoulette de festival” selon la majorité des personnes représente ces jeunes filles entre 13 et 18 ans, arborant fièrement leurs couronnes de fleurs et leurs paillettes sur le visage dans n’importe quel contexte festivalier comme si Coachella était leur seule et unique raison de vivre. Vous les trouverez principalement le plus proche possible du devant de la scène et le plus loin possible des potentiels pogos et autres turbulences.

Elles ne vous ont rien fait pourtant vous continuerez en tant que bon puriste de les accuser d’une reconversion populaire de votre artiste préféré. Finalement, en quoi le public et l’audience d’un artiste vous posent-ils problème ?

Les arguments existent dans les deux cas si nous distinguons le public qu’on qualifierait de “physique”, celui que vous retrouverez lors d’un concert et l’audience globale qui représente toutes les personnes qui écoutent l’artiste.

Nombreux sont les fans d’un artiste qui sont ressortis d’un concert déçus. Voire qui ont regretté d’y avoir assisté non pas essentiellement à cause de la qualité de la prestation mais bien à cause du public qui s’y trouvait et de son comportement qui se distingue selon le style de musique.

 

La techno par exemple, est un style qui se popularise de plus en plus et touche un public toujours plus éclectique à tel point que ce style que l’on pensait déjà underground se voit parfois reprocher d’être tombé dans une tendance “commerciale” soit ayant pour objectif de plaire au plus grand nombre avec des constructions de morceaux peu recherchées. Ce phénomène, similaire avec la musique trance, se traduit selon les “puristes” de musiques électroniques par une attraction d’un public plus jeune, adolescent, qui pour pallier leur manque de connaissance sur le sujet tout en cherchant tout de même à s’intégrer à un esprit et un univers nouveau vont surjouer et adopter des comportements inappropriés en accentuant les clichés déjà reprochés au public de musique techno (pour parler drogues dures et bières fortes…). Dans cette situation, on peut comprendre que les “anciens” fuient regrettablement le mouvement jusqu’à se priver d’assister à certains live d’artistes qu’ils aiment pourtant.

 

On retrouve le phénomène similaire également dans le rap. L’idée que je m’en faisais était la bonne et m’a été très récemment prouvé lors du concert à l’Olympia de Roméo Elvis. Artiste à mon sens accompli, méritant son succès, bien entouré… Mais dans son public on retrouve les fameuses zoulettes de festival qui comme le rappeur ne manque pas de le mentionner (1:27:04) attendent de recevoir le tee-shirt plein de transpiration de leur Roméo.

 

https://www.youtube.com/watch?v=SbcaATu2gDA

“J’aime tous les ienclis qui sont dans cette salle (…) les petites meufs qui sont là devant qui aiment que du Drôle de Question et du Lénita mais qui connaissent pas le reste”.

En parlant des morceaux les plus connus de son dernier album le rappeur est conscient du profil de son public mais il est également conscient que c’est grâce à eux qu’il peut se permettre d’être sur la scène de l’Olympia. On reconnaît là une situation qui peut s’avérer être un réel dilemme marketing pour certains artistes : conserver son image conférée par son public d’origine ou percer auprès du plus grand nombre ?

 

Hormis les “zoulettes de festival” dont l’exemple est, je le concède, extrêmement caricatural certains snobs, plus attachés à leur propre image qu’à leurs affinités trouvent le moyen de reprocher à un artiste les personnes qui l’écoutent. La musique étant comme d’autres arts un moyen d’affirmation identitaire, malgré la reconnaissance du talent de certains artistes ils refuseront d’admettre qu’il l’écoute à cause du profil général de ses fans… C’est clair ? Pour moi non plus. Attendez l’exemple pour comprendre…

 

Les artistes subissent ce manque de reconnaissance. Certains chanteurs au talent certain, bien qu’étant très mainstream comme Ariana Grande ou Justin Bieber (on fait difficilement plus large exemple…), ont énormément de mal à se sortir de leur image. Ayant tous les deux commencé dans la musique très jeunes et avec une volonté de percer rapidement, ils ont conquis un public à leur image et peinent à s’en défaire maintenant qu’ils évoluent. C’est à cause de cette image et un parcours qui mérite malgré tout d’être reconnu que certains ne reconnaîtront jamais leur talent, même dans des titres qui en valent le coup.

 

Pour prendre du recul et ravaler sa fierté je vous recommande d’aller voir les différentes interviews Clique de Mouloud Achour des artistes que vous pensez haïr et vous rendre compte qu’ils ont souvent un répertoire de références musicales bien plus large que le plus spécialiste de vos potes et qu’au delà de leurs apparences d’acteurs Disney Channel se cache des êtres humains orchestrés depuis toujours par leurs agents.

 

 

Il réside également un manque de crédibilité évident envers les femmes artistes et encore plus important envers les femmes fans. Même s’il est vrai que le mot “fangirl” est le plus utilisé pour déterminer des fans hystériques certains hommes seront parfois surpris de discuter avec une femme spécialiste d’un style de musique dont eux aussi sont fans. En agissant exactement de la même manière que n’importe quel fan homme de rap, le rap étant l’exemple le plus parlant pour démontrer ces critiques, une femme sera plus souvent accusée de faire perdre sa crédibilité à l’artiste. Mettre une citation de Lomepal sur sa photo de profil aura du sens pour Mathieu ancien fan de l’artiste qui le connaît depuis ses premiers freestyles, mais pas pour Chloé qui a découvert le rappeur récemment et en apprécie pourtant les paroles, les thèmes et les prods.

Dès que des artistes sont appréciés en majorité par des femmes on se sent obligé de dénigrer leur talent. Elvis Presley et les Beatles sont passés par cette phase avant qu’un public masculin commence à les écouter et qu’ils soient enfin acceptés. Plus récemment le chanteur Harry Styles ex membre des One Direction a soulevé la question avec un album solo pourtant très propre aux inspirations de David Bowie il a fait découvrir un nouveau style à de nombreuses jeunes filles. Malheureusement, une majorité continuera à cracher sur son statut de chanteur de Boys Band.

 

 

Finalement, certains artistes n’ont jamais eu à subir la réputation des personnes qui les écoute. Comme Johnny Halliday qui pourtant avec un profil de fan très caractéristique est resté une référence de la variété française pour tous. Hypocrisie, mouvement de masse, réelle affinité ? Dans tous les cas notre Johnny a presque toujours fait l’unanimité.

Plus récemment et d’un point de vue plus personnel, je pense que Orelsan fait également partie de ces artistes à ne jamais être passé par la phase “mon audience est devenu un public de pré-puberts qui se vêt uniquement de sweats Trasher et de Fila”.

 

N’oubliez donc pas de prendre du recul. Des groupes comme le collectif de rappeurs 1995 était un groupe de lycéens que nous avons connu en tant que collégiens donc ça ne nous a jamais dérangé de faire partie du public mais qu’en étaient-ils des personnes plus âgées qui ne les ont jamais vu en live justement pour fuir ce public de pré pubères ?

Sentez-vous libre d’aimer un artiste pour ce qu’il est et ce qu’il fait et pas pour son public car c’est de cette façon que vous participerez à la diversification de son audience dont lui aussi peut se sentir parfois enfermé et victime et vous mettrez ainsi fin aux préjugés.

Amen.

 

Fanny Laurent

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