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[LIVE REPORT] Être humaniste, pas féministe par La Pietà et Chilla

Ce vendredi 23 novembre 2018, La Rock School Barbey a décidé de mettre la scène hip-hop féminine à l’honneur en programmant La Pietà et Chilla, deux artistes aux textes forts et poignants. N’hésitant pas à dénoncer les différents travers de notre société, la soirée s’annonçait forte en émotion.

Nous arrivons aux alentours de 20h30. Première surprise : le public présent à ce concert est très éclectique, preuve que le message des deux artistes peut rassembler quiconque et qu’il concerne toutes les personnes qui refusent d’être des “Monsieur tout le monde” au discours policé. Des très jeunes, des adultes, des hommes et des femmes – majoritaires – se sont donnés rendez-vous.

 

La Pietà est la première à monter sur scène. Elle attaque immédiatement dans le vif du sujet en arrivant masquée sur son titre Maintenant ou jamais, un morceau très hip-hop et percutant. Le ton est donné : La Pietà n’est pas une artiste qui va passer par quatre chemins pour exprimer tout ce qu’elle a sur le coeur. Suite à son premier morceau s’enchaîne immédiatement un nouveau qui ne laisse au public le temps de reprendre ses esprits seulement lorsqu’elle enlève son masque. La Pietà est réellement une artiste à part entière, et son concert reflète totalement ce qu’elle a pu nous dire en interview : elle est une artiste avant tout, et elle fera ce qu’elle aime sans qu’on lui dicte certains codes.

 

En parlant de code, La Pietà veut s’affranchir de ceux – souvent masculins – du rap. Comme un pied de nez aux hits qui fonctionnent toujours et semblent acceptés par tous et toutes, elle fait appel au public : “J’en ai marre de ces rappeurs qui parlent constamment de chattes et de sexe dans leur chanson, j’en ai marre de ces rappeurs qui peuvent tout dire sans être emmerdés”. En continuant : “Alors ! Ça vous dirait qu’on parle de bite au moins une fois ?” avant de lancer un son, que certains jugeront “provoc”, à propos de sexe masculin et de rapports sexuels. Les visages se froissent pour laisser apparaître des mimiques gênées. Finalement, ce savant mélange de sarcasme fonctionne. Quelques secondes après que le morceau ait été lancé, tout le monde semble le prendre avec une plus grande ouverture d’esprit.

 

Force est de constater que son oeuvre plaît énormément au public présent ce soir, tant ce dernier semble concerné par les écrits de l’artiste. L’émotion et l’énergie transmise par La Pietà met une véritable claque aux spectateurs, si bien qu’un léger temps de latence sépare la fin des morceaux du début des applaudissements, comme si nous avions besoin de digérer toute cette hargne si communicative. Face à une artiste aussi entière, tranchante et humaine, il est très difficile de rester insensible au morceau Salle d’attenteen piano voix, qui est un véritable “acte punk envers moi-même” comme elle nous l’a dit en interview (tant ce dernier changeait radicalement des autres titres qu’elle avait composé auparavant ndlr.).La Pietà finit son concert sur le morceau La moyenne,au milieu d’un public complètement conquis par la force de frappe des paroles et l’énergie déployée par l’artiste.

 

Il est 22h lorsque Dj Matou (également Dj de PLK) commence un set rap pour chauffer le public à peine remis de ses émotions. Il enchaîne des bangers français, passant de Damso à Caballero et JeanJass, et l’audience reprend les paroles en attendant Chilla de pied ferme (on ne peut s’empêcher de noter malgré tout que passer du XXXTentacion juste avant l’entrée de l’artiste est peut-être un peu étrange, vu les causes qu’elle défend, à raison).

 

La rappeuse de Lyon arrive enfin sur scène face à un public bouillant prêt à se laisser emporter par une plume forte et acérée. Elle enchaîne immédiatement avec le morceau Sale chienne, titre dans lequel elle dénonce toutes les bavures masculines faisant écho au #Balancetonporc et elle n’hésite pas à demander aux hommes présents de l’accompagner dessus, qui s’exécutent. Ceci est une nouvelle preuve que le public présent ce soir connaît parfaitement les textes de la rappeuse ainsi que ses combats.

Dans une ambiance ultra familiale, les quelques légers problèmes techniques ne stoppent pas Chilla, bien au contraire. Le freestyle qu’elle avait pu faire lors de son passage dans la fameuse émission de SofianeRentre dans le cercle” est une véritable claque et prouve à un public déjà acquis à sa cause qu’elle sait également “découper” des instrus quand il le faut et fait preuve d’une technique incroyable. La rappeuse n’hésite pas non plus à proposer trois inédits entre les morceaux de son EP Karmadans une salle en délire. Le public est conquis, Chilla est surprise et émue, et décide même d’appeler les spectateurs de la Rock School Barbey “mes nouveaux backers attitrés”.

Il est 22h50 lorsque Chilla commence son dernier titre 1er jour d’école: des paroles mélancoliques sur une instru taillée pour faire du titre un single. Le public ne pouvait rêver mieux et accompagne la rappeuse du début à la fin, comme un seul homme.

On aurait aimé pouvoir discuter avec la lyonnaise à la fin du concert, réputée pour être une artiste très accessible, qui enchaînait déjà les photos et autographes avec son public. Quoi qu’il en soit, ce concert fut une véritable réussite et une sorte d’OVNI dans le paysage rap féminin, mais rap français tout court : entre textes forts, profond respect de l’autre, mélancolie et émotions, La Pietà et Chilla nous ont prouvé à quel point elles étaient Artistes et humanistes. Ne pas avoir peur de s’exprimer, ne pas policer sa musique dans le but de vouloir plaire au maximum de gens et s’essayer toujours à quitter la moyenne, à peine.

Axelle et Rémi

 

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