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Ultra sera le dernier…

           19 ans. 19 ans se sont écoulés depuis la sortie Temps Mort, son premier album solo. Quelques 10 albums plus tard, nous y voilà. « ULTRA sera le dernier », voilà les mots utilisés par Booba pour désigner l’album qui est censé conclure une longue carrière. Mais, qu’attendre de celui qui a fait du game une dictature ? Depuis la sortie de Trône en 2017, les auditeurs n’auront eu que l’occasion d’entendre le D.U.C sur des singles comme BB, PGP, Jauné ft. Zed, ou des apparitions sur des morceaux calibrés zumba (dans son expression la plus noble) comme avec Maes pour Madrina, ou encore Niksa pour Médicament.

Alors qu’attendre d’ULTRA, le 10ème, le dernier ?

            L’album est composé de 14 titres, 7 solos, donc 4 inédits (entre 5G et Azerty comme premiers extraits et le premier couplet de Je sais déjà sorti en 2014), 7 featurings, pour une durée de 40 minutes. Ne soyons pas hypocrites : personne n’aurait voulu d’un 17-19 titres d’une heure. Ni Booba, ni les auditeurs. L’album est réellement bien calibré dès la première écoute et d’autant plus aux suivantes.

            Mais de nombreux auditeurs ou fans ont été déçus lors de l’annonce du tracklisting de ne voir que 7 solos, et des featurings qui pouvaient leur déplaire (on pense ici à Gato ou encore Bramsito qui s’est fait incendier sur Twitter pour cause : être sur l’outro du dernier album de Booba). Et il faut être honnête, cette tracklisting ajoutée aux récents clashs Twitter du DUC pouvait laisser comme une impression de crash inévitable pour (sûrement) le plus grand rappeur français de l’histoire.

              Que va-t-on relever si l’on voulait être tatillon et trouver quelques défauts à cet album ? (car on est toujours plus tatillons et critiques avec les artistes que l’on apprécie réellement).

            C’est vrai, certaines prods ont un aspect digne des blockbusters hollywoodiens, très fat, très efficaces et manquent peut-être un peu de finesse. Le morceau avec Maes va sûrement énormément marcher et truster la plus haute marche du podium des streams, mais c’est le moins « intéressant » du trio de leurs zumba, alors que le potentiel est là.

            Le plus gros point noir au tableau pourrait être une plume bien moins incisive qu’il y a quelques années. Un petit biff sur le 667 suivi d’une phase sur ALI (deuxieme membre du légendaire duo Lunatic), ou encore « Game ridicule, comme le DJ dans Validé », voilà quelque chose qui frappe fort et qui interpelle avec plus de classe qu’un tweet. Et c’est presque dommage d’avoir perdu cet aspect combatif qu’il pouvait avoir. Dans l’écriture de la plupart des morceaux, on n’a jamais réellement l’impression de prendre une claque d’écriture. Les punchlines ne sont plus aussi incisives qu’à l’époque, comme si Booba « ronronnait ».

            Attention, l’album est rempli de fulgurances, comme sur Vue sur la mer, sur L’olivierBonne journée ou encore sur l’outro. Mais en dehors de ça, on a parfois l’impression de rester en surface. La patte écriture de Booba semble avoir disparu sur ULTRA. Plus aucune phase type «  Etiquette blanche au gros orteil / T’auras jamais la carte vermeil / Numéro un je suis formel / monts et merveilles se trouvent loin de Montfermeil. » (4G, Nero Nemesis). Le percutant semble être comme édulcoré. Oui, on n’est pas face à un album « trap », et tant mieux d’ailleurs. Mais où est passée l’arrogance d’un numéro un qui marche sur le game depuis 19 ans ? Où est passée cette plume si incisive qui caractérise tant le DUC ?

La question se pose donc : Est-ce que Booba ne sait plus rapper comme il le faisait il y a 5-6 ans ? Ou alors, est-ce qu’il ne veut plus rapper comme il y a 5-6 ans ?

            Que reproche-t-on réellement à Booba finalement ? De ne plus rapper comme sur Nero Nemesis ? Mais depuis Trône, on savait qu’il ne rapperait plus de cette manière. Alors, on lui reproche de faire de la zumba ? Mais qui aujourd’hui n’en fait pas ?

            On parle de Booba, le businessman, celui qui a toujours été numéro 1 des ventes. « Je n’suis que le Top Singles et le cours de l’euro » dit-il dans le morceau Je sais (sorti en 2014 sur Youtube, le morceau est présent sur ULTRA, et s’inscrit parfaitement dans ce qui peut sortir actuellement en rap français, nouvelle preuve que Booba a toujours eu un temps d’avance). Et qui dit numéro un, dit truster la tête des charts. Et comment le faire de la manière la plus efficace aujourd’hui ? Avec du rap mélodique qui reste en tête et de la zumba. Alors, pourquoi reprocher à Booba d’en faire quand d’autres le font ?

            Et surtout, pourquoi reprocher à Booba d’en faire quand c’est finalement lui qui a presque ouvert la porte à la zumba en France dès 2011 avec Jimmy par exemple ? Booba ne veut plus rapper comme en 2015, 6 ans après, doit-on réellement lui en vouloir ? Loin de là. Et tant mieux. Un Booba mélodique, voilà aujourd’hui ce que nous avons, profitons-en le temps d’un dernier album d’un artiste de 44 ans qui reste parfaitement dans l’ère du temps (ce n’est pas rien dans ce rap français). Pourquoi ne rien lui reprocher lorsqu’il dit « moi aussi j’sais en faire, de la trap de merde ? » et s’égosiller alors qu’il est dans la même démarche aujourd’hui, et qu’on pourrait l’entendre dire « moi aussi j’sais en faire de la zumba de merde ? »            

           Et puis, on parle de zumba, mais sur Ultra, on retrouve réellement 2 morceaux qui peuvent être qualifiés de zumba. Les autres sont soit du rap pur, soit du rap plus chanté, plus mélodique. Quoi qu’il advienne, les morceaux zumba sont destinés à prendre les premières places des top France, voir mondial (Mona Lisa en feat avec JSX fut numéro au top monde Deezer à sa sortie).

            Enfin, soyons clairs : un dernier album, après une carrière si longue, ne peut jamais ressembler à un album d’un jeune MC qui veut à tout prix prouver qu’il mérite sa place dans le rap game. Encore une fois, Booba a 44 ans, il n’allait pas rapper comme si il en avait 25 ou 30. Nous sommes face à un album d’un artiste qui tire un bilan de sa carrière, parsemé de mélancolie, sans jamais tombé dans le pathos.

Nous sommes sur le dernier album d’une carrière. Mais l’album de Booba. Pas de celui des auditeurs. Si Booba décide donc de sortir ULTRA comme dernier album, il le fait. Si Booba décide d’inviter Gato sur son album, il le fait, n’en déplaise à certains avis Twitter qui veulent le faire passer pour un exécrable rappeur, pour quelques Retweets… Si Booba décide, il fait. Et il a raison. Le temps lui donnera raison.

            Booba part donc dignement et conclut son incroyable carrière avec élégance. « 25 ans de carrière, personne m’a eu mais vas y tente » dit-il sur Bonne journée. Un album au caractère presque désabusé d’un roi qui va garder son trône sans avoir eu à forcer son talent. Un très bon album avec la présentation des futures pépites de demain (c’est tout ce que l’on peut souhaiter à un JSX ou à une ELIA pour ne citer qu’eux).

« ULTRA sera le dernier, vous allez me manquer les gars ». Finalement, c’est sûrement ça qu’il faudra retenir. Booba aura sorti son dernier album solo en 2021. De 2002 à 2021, il a su (à la fois) révolutionner, s’adapter au rap français. Sa musique, son image, sa vision du rap, personne n’aura été indifférent face au D.U.C. De Ma définition à Dernière fois, en passant par Charbon, Numéro 10, ou encore Maître Yoda, Booba nous aura offert une carrière sans pareil. Merci beaucoup Monsieur Elie Yaffa, c’est vous qui allez nous manquer.

Enjoy & Stay Tuned.

Rémi Huchon

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