Au fil des décennies, l’industrie musicale a connu de nombreux artistes ayant fait le choix de promouvoir la spiritualité dans leurs chansons. Pour la plupart d’entre eux, cela s’inscrit dans la démarche d’une quête de rédemption et d’une quête de sens suite à des erreurs passées. Cependant, l’authenticité de l’engagement spirituel des artistes est parfois mise en doute : simple stratégie de vente ou réelles croyances ? Autre aspect polémique de la spiritualité concernant la musique : l’usage du blasphème à des fins provocatrices et engagées.
La spiritualité dans la musique : une quête de rédemption et de sens
Aborder la religion et la spiritualité dans leur musique est un moyen par lequel bon nombre d’artistes invoquent la rédemption et cherchent du sens aux différentes épreuves de leur vie. Parmi ces artistes figure Jay-Z avec son titre “Family Feud” tiré de l’album 4 :44. Dans celui-ci, l’artiste livre ses excuses à son épouse Beyoncé. En effet, dans son clip on peut observer le rappeur américain se confesser dans une église concernant son infidélité passée.
Cette spiritualité et cette recherche du pardon est également très présente chez Justin Bieber depuis plusieurs années. Après une période où l’artiste enchaine les frasques en tout genre, il se fait baptiser en 2014 et décide de prendre un virage à 180 degrés. La sortie de son album Purpose en 2015 marque ce changement. Sur la pochette de ce dernier, on observe Justin Bieber dans une posture pieuse, les mains jointes, une croix tatouée au centre du torse.
De façon similaire, après des attitudes et des propos polémiques, l’artiste Kanye West sort en 2019 un album gospel Jesus Is King, qu’il décrit comme « une expression de l’Évangile ».
Dans un tout autre registre, la chanteuse Avril Lavigne est quant à elle revenue après 5 ans de silence radio avec un titre nommé Head above water. Atteinte de la maladie de Lyme, l’artiste invoque Dieu afin qu’il puisse l’aider à garder la tête hors de l’eau malgré les épreuves. Cette chanson sera classée à la cinquième place du Christian Billboard aux États-Unis.
Toutefois, la question de l’authenticité de cette spiritualité se pose pour certains artistes. En effet, lorsque Snoop Dog sort Bible of Love en 2018, les critiques fusent et l’accusent d’exploiter la religion à but commercial. Cela est notamment dû aux origines du rappeur issu du « Gangsta Rap », dont les thèmes récurrents demeurent la drogue, le meurtre et le sexe. A ce sujet, Snoop Dog déclarera : « Je croyais que l’Église était censée accueillir les anciens pêcheurs ».
L’usage du blasphème dans la musique
La spiritualité dans l’industrie musicale est exploitée dans les deux sens. Si une partie des artistes s’orientent vers la foi, d’autres choisissent de se tourner vers le blasphème. D’après les propos du sociologue de la pop culture Ellis Cashmore : « Nous sommes intéressés par les célébrités parce que, traditionnellement, elles représentent l’inverse de la pureté. Plus leur réputation est souillée, mieux c’est ! Je pense que ce milieu tolère un peu de personnalités évangéliques, mais pas beaucoup, sinon ils deviennent ennuyeux. Nous, nous aimons nos célébrités trash, perturbées, contaminées, déshonorées, souillées et, oui, impures. »
Le blasphème se définit en tant que « parole ou discours qui outrage la divinité, la religion ou ce qui est considéré comme respectable ou sacré ». Si en France le blasphème n’est plus considéré comme un délit, l’auto-censure reste malgré tout importante. Certains s’y sont tout de même risqué, quitte à s’attirer les foudres du public. On peut citer des piliers de la chanson française tels que Léo Ferré avec Thank you Satan ou encore Johnny Hallyday avec le titre Jésus Christ qui compare le personnage biblique à un hippie. Du côté de la pop culture américaine, ces dernières décennies ont également connu leur lot d’accusations.
En 1989, la chanteuse Madonna sort le titre Like a Prayer associant connotations religieuses et sexuelles. Malgré une première place dans le Billboard Hot 100, le clip est condamné par le Vatican qui appelle au boycott. La marque Pepsi sera par ailleurs contrainte de retirer de la diffusion l’une de ses publicités utilisant la chanson de Madonna.
En 2011, c’est au tour de Lady Gaga de défrayer la chronique avec son titre Judas. L’artiste y chante être amoureuse de Judas et affirmera lors d’une interview : “Le seul blasphème dans ce clip, c’est que je porte du Christian Lacroix et du Chanel en même temps. Plus sérieusement. J’ai vraiment la foi et c’est sur quoi porte ce clip. Le nom de Judas n’est qu’une métaphore pour le pardon. Nous avons tous un passé qui nous hante et qui a une influence sur notre avenir. Je voulais libérer Judas.”. Véritable message, provocation ou blasphème ? Certains y voit tout simplement un coup de communication, le titre étant sorti à l’approche des fêtes de Pâques.
De façon similaire, c’est la chanson El Diablo d’Elena Tsagrinou, représentante de Chypre pour l’Eurovision 2021 qui a récemment été l’objet de critiques de la part de la classe orthodoxe chypriote. En effet, l’interprète est accusée de satanisme pour affirmer dans son titre avoir donner son cœur au diable. La CyBC (la radio-télévision publique chypriote) rétorque que la chanson traite en réalité de « l’éternelle lutte entre le bien et mal ». « Malgré cette relation problématique avec des signes du syndrome de Stockholm et malgré la paranoïa dont elle fait l’expérience, elle continue à chercher de l’aide et la liberté. A la fin, comme on dit, la vérité brille toujours. En ces temps actuels, nous espérons que cette chanson, et son interprétation, va inspirer non seulement les femmes mais aussi ceux qui font face à des situations similaires ».
Ces dernières semaines, c’est le rappeur américain Lil Nas X qui a suscité la polémique suite au clip de son titre Montero (Call me by your Name). Pour promouvoir ce nouveau single abordant le thème de l’acceptation de soi, l’artiste a fait le choix d’un clip aux nombreuses références bibliques et mythologiques. La vidéo, qui comptabilise à l’heure actuelle plus de 155 millions de vues sur YouTube, a beaucoup fait parler d’elle. La raison : une scène ou Lil Nas X cherche à séduire Satan en effectuant des danses suggestives.
L’artiste s’est exprimé sur Twitter pour répondre à ses détracteurs, la plupart issus du conservatisme américain : « Vous adorez dire que nous [la communauté LGBTQ+] irons en enfer mais vous êtes énervés quand j’y vais littéralement lol ». Le rappeur s’est également confié sur son mal-être adolescent en lien avec l’acceptation de soi et le regard des autres.
Qu’il s’agisse de l’expression puritaine d’une croyance ou bien du blasphème, il semblerait bien que les polémiques tendent à persister quant à l’expression de la spiritualité dans la musique.
Enjoy & Stay Tuned.
Eva Rozand