“Veux pas faire partie des grandes écoutes, plus petit et plus vif”
Zeu, Zeurti ou soul6, est un rappeur issu du collectif Panama Bende. Ce groupe parisien composé de 7 membres a conquis le public rap dans les années 2010. Si vous n’avez jamais entendu parler du Panama Bende, vous connaissez forcément PLK et peut-être Aladin135 ou encore Lesram présent sur Classico Organisé. Tous sont issus de ce groupe, c’est aussi le cas d’Ormaz, très peu actif en solo, d’Elyo et Assaf qui forment le duo Changerz et donc de Zeu, le sujet du jour tant son évolution musicale est remarquable.
« Je vais dériver comme rappeur malheureux, le pire c’est que je vis bien mais d’un côté je suis pas heureux »
Revenons sur la carrière d’un rappeur qui n’a jamais voulu être dans la tendance mais qui a toujours, avec des rimes tranchantes et des flows aiguisés, avancé dans la bonne direction. Zeu est énigmatique car il n’a jamais donné d’interview solo, il prend rarement la parole sur ses réseaux sociaux, et masque son visage depuis maintenant 2 ans. Cependant, cela n’empêche pas ses auditeurs de le suivre de très près et de soutenir sa musique.
Retour chronologique sur la carrière d’un rappeur au-dessus du lot.
Avant le Panama Bende
Très influencé par le hip-hop des années 90 et des groupes comme le Wu-tang Clan, Mobb Depp, Lunatic ou encore Tandem, le Paname Bende se forme en 2012 et sillonne les open-mic parisiens. Zeu et Ormaz forment alors un duo : OZ. Les deux plus âgés du groupe sortent Marée Basse en 2015 : 6 morceaux sur des intrus classiques du rap américain. On y retrouve un featuring avec Lesram et un avec Aladin135. A cette époque-là, Zeu était aussi très proche de la 75e session, collectif phare de Paris, et apparait même sur un morceau légendaire avec Sheldon. Entre 2012 et 2016, c’est donc sur des productions old-school, Boom-Bap qu’il fait ses armes. Avec un flow nonchalant, presque chuchoté parfois, il aborde des thèmes variés comme le sport (tennis, foot, basket principalement), la violence, ses influences, l’égotrip mais toujours avec une certaine élégance et technique dans le choix des mots et des références.
Succès avec la Panama Bende
La sortie des deux projets du Panama Bende constitue un premier tournant dans la carrière du rappeur parisien. Les prods se modernisent et se diversifient, lui reste fidèle à son écriture précise et impactante. ADN, le deuxième album connaitra un gros succès commercial puisqu’il est écoulé à plus de 50 000 exemplaires. Au lieu de profiter de cette réussite comme d’un tremplin, à l’image de son confrère PLK, Zeu se remet en question musicalement pour atteindre sa deuxième forme.
À partir de 2018
Le 9 mars 2018, Zeu sort son premier projet solo : Trash Talking. Si le nom fait référence à la culture basketball, il reflète très bien la manière que le rappeur parisien a de dénoncer crument ce qui le dérange aussi bien dans l’industrie que dans la société. Zeu n’a pas de filtre, et c’est ça qui est plaisant. Sur ce projet, encore hybride au niveau des prods, on retrouve un son avec PLK et Ormaz et un featuring avec 7jaws encore très méconnu à l’époque. Ce projet résume bien la première partie de sa carrière tant dans le choix des invités que dans le propos.
“Fais bien mieux d’aller mal, c’est ma meute qu’a les phases, sourire forcé comme hypocrite qu’a les cartes”
Après ce premier opus, le rappeur se rapproche de la scène underground de Lyon et de Marseille. Pour marquer ce tournant artistique, il délivre deux Ep’s : Butterfly Doors et Méta. Ces deux projets très courts sortent pour tenir au courant son public de ses nouvelles influences et les faire patienter pour Trash Talking : Gold Edition.
C’est donc en novembre 2019 que sort Trash Talking : Gold Edition, son projet le mieux écrit selon lui. Sur 13 titres, Zeu navigue dans un univers où la lumière peine à pénétrer, avec des textes plus marquant que jamais. Entouré de Personne et de Jwel pour les prods, ce projet est très cohérent musicalement et nous plonge pendant une demi-heure dans les pensées du protagoniste. Les featurings sont très bien incorporés, on retrouve Ashe22, Azur, $tanlee et DIL. Loin de Zeu l’idée d’utiliser la popularité de ses proches pour percer. Il préfère avoir une musique authentique en tout point. De plus en plus sombre dans ses propos, son évolution semble logique.
Un pionnier de la drill en France
Après ce projet, Zeu a entamé une troisième étape dans sa carrière en prenant très tôt le virage drill. En effet, quand il choisit de se consacrer à ce courant, Freeze Corleone n’a pas encore popularisé ce style en France, Pop Smoke n’est pas ou très peu connu. Encore une fois, son amour de la musique passe avant tout. Cela n’est pas surprenant lorsqu’on regarde ses textes de près. Après avoir inondé YouTube de sons drill, Zeu sort Black Gate, un Ep de trois titres, fin 2020. Il a récemment annoncé en sortir deux autres avant la dernière édition de Trash Talking. Un Ep devrait d’ailleurs arriver dès décembre ! Ce virage pris par Zeu peut être déroutant lorsque l’on connait ses inspirations premières. Cependant, cette esthétique colle parfaitement avec les textes violent qu’il débite depuis 2014.
Difficile de dire si Zeu va continuer de rapper longtemps au vue de son désamour pour l’industrie et pour une majorité de rappeurs. En tout cas, son évolution musicale depuis une décennie est sûrement la plus improbable et à la fois la plus cohérente dans le rap francophone. N’attendez pas pour découvrir sa discographie !
Enjoy & Stay Tuned.
Eugène Hayaud