Le rap est né du hip-hop. Le hip-hop, au départ, c’est un mouvement socioculturel contestataire apparu aux États-Unis dans les années 1980 et se manifestant par des graffs, des tags, des styles de danse (smurf) et de musique (rap).
Aujourd’hui, le rap n’a plus du tout le même message et la même portée qu’à ses débuts. Par ailleurs, il s’impose comme la musique numéro 1 (pour le moment).
Pour comprendre l’évolution du hip-hop et la grosse phase de transition qu’on est entrain de vivre, Start It vous propose un retour sur l’histoire de ce genre musical exceptionnel…
Le rap est-il en voie d’extinction?
I- Les origines: naissance d’un mouvement au départ « marginal » (1979-1998)
Le hip-hop fait ses débuts aux États-Unis vers la fin des années 70, dans les ghettos noirs américains à l’époque des Black Panthers.
En effet, en 1979, tout n’était que disco, champagne et paillettes pour les jeunes qui fréquentent les clubs mythiques de New York. Mais dans le Bronx, l’ambiance est différente: peuplé de dealers, de prostituées et secoué par la violence, c’est le chaos au quartier. Ainsi, pour ses habitants, il n’y a qu’un seul moyen de décompresser: les soirées de DJ Kool Herc au 1520 Sedwick Avenue (lieu de naissance du hip-hop). Là-bas, on écoute principalement le funk de James Brown, Curtis Mayfield ou Pleasure.
Après le phénomène DJ Kool Herc, on peut citer Eddie Cheeba et Coke La Rock parmi les premiers à réellement se faire un nom dans le rap, mais également Keef Cowboy, qui accompagne le DJ Grandmaster Flash. Ces 2 derniers feront partie du groupe mythique Grandmaster Flash and the Furious Five, qui laissera derrière lui un hit planétaire:
En effet, 2 ans plus tôt sortait le tube légendaire ‘Rapper’s Delight‘, du groupe The Sugarhill Gang, qui lui, peut être considéré comme le premier morceau rap de tous les temps.
En France, le rap n’apparaît qu’au début des années 1980: à ce moment-là, la diffusion est limitée à quelques radios pirates (patience…)
Aux US, il faudra attendre les années 90, et plus précisément 1991, pour réellement voir la naissance du rap plus « revendicatif », où les textes prennent une grosse importance. Ainsi, on retiendra comme précurseurs le Wu-Tang Clan, Snoop Dogg ou encore le groupe NWA (Ni*gaz Wit Attitudes), fondé par Eazy-E, et dont Dr. Dre et Ice Cube faisaient aussi partie.
Côté français, Mc Solaar réussit à séduire le public par un rap calme et poétique, notamment avec le tube ‘Bouge de là’.
En 1995-96, le rap américain change définitivement, laissant apparaître une nouvelle vague de légendes. Je parle bien évidemment de Biggie, 2Pac, mais également de Coolio, les Fugees, puis Nas et Jay-Z notamment.
Le « gangsta rap » fait ainsi son apparition et l’ambiance devient plus gang: on parle de flingues et d’embrouilles, on tombe dans l’égotrip, et la guerre entre West cost et East cost éclate. En revanche, le côté revendication dans les récits est toujours présent.
En France, le rap « funky » (plutôt positif et chill) envahit la musique avec MC Solaar, IAM, ou encore Doc Gyneco.
Dans l’underground, on retrouve NTM, Assassin et bien d’autres, qui, quant-à-eux, pratiquent le rap hardcore. En d’autres termes, ils témoignent de la dure réalité dans les cités de France à travers des textes très crus et s’opposent vigoureusement à la police (ce qui vaudra d’ailleurs à NTM une condamnation pour propos haineux…mais c’est ça qui plaît aux puristes !).
Selon Afrika Bambaataa, l’un des pionniers du hip-hop, le rap n’est au départ « qu’un moyen d’éloigner les jeunes de la drogue et des gangs et de stimuler leur créativité ». Aussi, comme on l’a vu avec NTM, il permet d’évoquer une vie difficile, très souvent précaire, et de dénoncer. Donc pour le moment, le hip-hop reste encore très communautaire.
En effet, jusqu’ici – principalement dû aux thèmes abordés très souvent délicats vis-à-vis des gouvernements – le rap, sous-médiatisé, a du mal à se faire une place parmi les genres du moments, tels que le rock alternatif avec Oasis, ou encore la pop menée par Britney Spears.
→ Rappelons qu’on est en 96, et à cette époque-là, il n’est pas encore normal de faire du rap (dans le sens “rap de rue”). Le genre est nouveau, et même si certains morceaux rap sont très haut dans le classement, les gens ne sont pas encore réellement habitués à en écouter. Ainsi, le mouvement est encore en marge.
En revanche, très rapidement, grâce à une médiatisation de plus en plus importante (en France: l’apparition des radios libres et des émissions télés notamment), le hip-hop évolue, et courant 97-98, il prend une toute autre envergure…
II- Le démocratisation du rap
II-A- Le mouvement devient populaire (1998-2010)
En 1997-98 le mouvement hip-hop a bien évolué: la danse et le graff – typiques de la culture – ont presque disparu, les compétitions aussi et les textes sont plus revendicatifs, construits et parlent de la vie quotidienne. C’est à ce moment-là que le rap connait une véritable explosion dans le monde (non pas grâce à un changement de style, mais bien grâce à une forte médiatisation):
En France, des labels se fondent, des crews se forment, on assiste à la naissance du rap business qui fait des ravages aux Etats-Unis. En 2000, il devient plus facile de faire du rap, les anciens ont créé des labels pour produire les nouveaux, et le rap devient peu à peu la musique la plus appréciée chez les jeunes.
Mais, en 2002, on assiste à une vraie transition au niveau du son: chez les ricains, les instrus deviennent plus électroniques et s’accélèrent (on passe du 90bpm au 110-130bpm voire +). Les textes, quant-à-eux, deviennent plus incisifs et portent moins de messages. La violence est plus présente et il semblerait que le rap français se dirige vers le gangsta rap, comme les américains 6 ans auparavant; tandis que ces derniers entrent dans une phase plutôt “star system” où les rappeurs génèrent des millions et sombrent dans le décadence à l’image de nombreux clips.
Parmi les icônes américaines, on retrouve les légendes Eminem, 50 cent, mais également Jay-Z, en place depuis longtemps. C’est la première fois que les rappeurs se mettent à innover, à se livrer à des morceaux plus intimistes pour certains (Eminem ou Nas, qui s’éloignent du gangsta rap), ou du moins à se différencier des autres tant dans le rap et le flow que dans les instrus et même le visuel: 50 et Slim Shady sont de la même époque, pourtant leur rap n’est pas du tout le même…
En France, de 2000 à 2005, on retiendra des noms comme La Fonky Family, Rohff, Diam’s, pour du rap plus engagé et politique Kery James, et bien évidemment Lunatic…
Certes, depuis 1996, Lunatic stagnait sur les radars… le groupe avait même annoncé se séparer. Mais contre toute attente, rentrée 2001, il sort ‘Mauvais Oeil’, l’ultime album de sa carrière.
4 mois plus tard, alors même que l’album a explosé, Booba se lance en solo et balance l’un des disques les plus inspirants du rap français : ‘Temps Mort‘ :
Dès 2005, c’est le début des clips de rap sur Youtube. Ce moyen de diffusion va énormément contribuer à la promotion des rappeurs, et de manière générale, la publication sur internet va permettre de toucher un public beaucoup plus large.
Cependant, internet a aussi démocratisé le piratage. En effet, à cette époque, il est facile pour les internautes de télécharger illégalement de la musique: on peut se servir et se constituer des bibliothèques mp3 de centaines de disques sans rien dépenser…
En conséquence, les ventes d’albums s’effondrent, en particulier chez les petits artistes et les labels indépendants (le cas des français), et beaucoup de rappeurs se découragent. Cependant, quelques têtes d’affiches survivent: Rohff, Sefyu, Sinik, Diam’s et Booba.
Pendant cette crise, Seth Gueko et Mac Tyer ont la chance de s’en sortir, tandis que d’autres, comme Fianso, ou un certain Alkpote devront attendre plus d’une décennie avant de percer.
C’est les noms qu’on retiendra de 2005 à 2010, période qu’on peut qualifier de maudite pour le rap français.
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À l’inverse, du côté des américains, 2005 peut-être vue comme l’une des années les plus importantes du rap.
En effet, une nouvelle vague émerge, et certains rappeurs seront bien présents plus d’une décennie (quasiment tous ces rappeurs sont toujours d’actualité): je pense notamment à Young Jeezy, le pionnier (de quoi? vous le saurez bientôt), Kanye West, Lil Wayne, Gucci Mane, Drake, Nicki Minaj et un peu plus tard Kendrick Lamar, Young Thug, Future et J. Cole.
Mais avant d’entamer cette phase légendaire du rap, on vous laisse avec un classique de Kanye West, qui montre bien que la période transitoire 2005-2010 est d’un autre niveau aux US…
Bref, jusqu’ici, dans le monde, le hip-hop est resté dans sa phase la plus traditionnelle qu’on pourrait nommer “rap old school” (même si ce terme a plusieurs sens…): des beats majoritairement boom-bap, avec un rap monotone mais dynamique (du rap, quoi) et surtout centré sur les lyrics.
Ce qu’il faut retenir c’est que, jusqu’ici, les rappeurs ne font pour la plupart ni de couplets chantés, ni de la trap…
II-B- Du rap à la trap (2010 à 2016)
Jusqu’en 2010, le rap s’est bien démocratisé. En revanche, ses protagonistes s’attachaient globalement toujours aux codes traditionnels. Mais bientôt, l’explosion de la trap va définitivement marquer un tournant dans l’histoire du hip-hop…
En effet, au cours des années 2010, tout un tas de nouveaux sous-genres émergent: la drill, le cloud rap, et un peu plus tard le latin trap et l’emo rap. La trap, officiellement là depuis 2003 avec le son ‘Rubber Band Man‘ de T.I., et popularisée par Young Jeezy à partir de 2005, devient peu à peu le style le + apprécié des rappeurs avec le gangsta rap.
Mais concrètement, qu’est-ce que c’est? La trap vient au départ du terme “trap houses”, qui fait référence aux maisons abandonnées servant d’emplacements pour les trafics de drogue, les prostituées, ou encore pour les jeux d’argent illégaux. Du coup, à la base, un rappeur trap est un rappeur qui tourne autour de ces thèmes (la légende raconte que les rythmes trap sont assez lents parce qu’ils reflètent les effets de la lean). Ça, c’est la naissance de la trap.
Maintenant, si on entre dans les détails, c’est un genre musical qui mélange rap lyrique et musique électronique. Mais attention, la trap ne remplace pas le gangsta rap, puisque ce sous-genre est toujours présent aujourd’hui. D’ailleurs, on peut très bien faire du gangsta rap sur un beat trap, ou même chanter sur un beat trap ! Simplement, le gangsta rap renvoie précisément à des paroles violentes associées aux gangs américains. La trap, quant-à-elle, est carrément devenu un style musical, qui regroupe des connaissances et une culture venant du rap, mais aussi de l’électro et même de la dubstep! (vous voyez où je veux en venir?…)
Faire de la trap, ça veut dire faire une instrumentale aux alentours de 130bpm (120 à 175), créer des mélodies répétitives, relativement épurées, parfois dark et inquiétantes, et surtout placer des drums et une 808 bien présents. Les hi-hats et ses rolls notamment donnent le rythme et permettent de faire bouger la tête: si on les entend pas, on peut pas appeler ça de la trap. Donc en trap, on rigole pas avec les hats !
À l’heure actuelle, ce courant musical est devenu la nouvelle esthétique dominante du hip-hop (même si on peut s’interroger sur son avenir, en voyant les nouvelles tendances comme la jersey etc…).
L’ascension de la trap est certainement due au fait qu’elle a permis aux rappeurs de se diversifier, en s’affranchissant notamment du “16 mesures”, qui les amenait à des flows relativement similaires (je dis bien “relativement”…). Du coup, je pense que ça aurait limité les perspectives de développement du rap sur le long terme. Donc on peut effectivement remercier l’émergence du genre.
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En bref, en 2011-2012, les rappeurs sont un peu perdus: on est en phase de transition et les styles sont soit mal exploités, soit tous plus ressemblants les uns que les autres. Le rap doit se renouveler: il a besoin de nouveaux styles, de nouvelles prods, de nouveaux flows…
Ça tombe bien! La nouvelle vague de rappeurs commence peu à peu à occuper une place importante. En effet, comme on l’a dit, grâce à l’émergence de tout un panel de sous-genres, c’est le début d’une nouvelle ère. Gucci Mane, Lil Wayne, Drake, Nicki Minaj, Kendrick et même J. Cole et A$AP Rocky sont au début de leur ascension.
Par ailleurs, un certain gangster du nom de Chief Keef ne se doute pas que bientôt, il sortira les 2 sons hip-hop les plus influents de la décennie…
Mais on va peut-être un peu trop vite…
En effet, en 2012, les auditeurs sont encore ancrés dans un rap plutôt old school, donc l’influence du son n’est pas immédiate (en tout cas, insignifiante par rapport à aujourd’hui).
En revanche, quelques mois plus tôt sortait ‘I Don’t Like‘…
Mais attendez, le mec balance de la drill alors que le public n’est même pas encore habitué à de la trap… et ça marche?
‘I Don’t Like‘ est considéré comme le premier hit drill au monde, avant même que ‘Love Sosa‘ soit reconnu comme l’un des plus gros bangers trap…
Du coup, en + d’avoir créé un des titres emblématiques de la trap, on peut également considérer Chief Keef comme étant le précurseur de la drill (il sera ensuite suivi par Lil Durk, G Herbo et King Von notamment). Pour rappel, le terme « drill » signifie “tirer sur quelqu’un”. Le sous-genre se veut donc encore plus violent que la trap. Quand on est un drill rapper, on choque et on parle de son expérience dans la rue sans mentir. Et au refrain, tout ça doit être à son paroxysme.
Au niveau de la prod, ce qui caractérise un rythme drill, ce sont notamment les snares et les hats irréguliers, ainsi qu’une basse 808 qui fait des glides (montées rapides dans les aigus). Par exemple, si on compare à de la trap (en gras c’est l’emplacement de la snare):
exemple de snares en trap: 1 2 3 4, 1 2 3 4…..
exemple de snares en drill: 1 2 3 4, 1 2 3 4…..
Mais bref, en somme, Sosa n’en a rien à faire: à une époque où le rap old-school est encore d’actualité, il balance simultanément 2 hits planétaires, sans savoir que plus tard, ils auront eu une influence majeure sur leurs genres…
Comme si c’était pas assez, au même moment que ‘I Don’t Like‘, mais dans un style complètement différent, Kendrick Lamar sort ‘Good Kid, M.A.A.D City‘, l’un de ses meilleurs albums.
Comme Ye, Kendrick est un artiste unique et en avance sur son temps. ‘Money Trees‘ en est le parfait exemple:
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La révolution du rap par la trap, ça se passe beaucoup du côté des instrumentales et des paroles, mais pour certains… c’est surtout côté voix.
En effet, l’usage de l’autotune (correcteur de voix créé fin 96) a également marqué un tournant dans le rap, puisqu’il a permis aux rappeurs de se mettre à chanter ! Quoi de mieux que Lil Wayne pour l’illustrer…
Lil Wayne fut l’un des premiers à se faire connaître pour ça, mais rendons à César ce qui est à César, puisque s’il y a UN précurseur de l’autotune dans le rap, c’est bien T-Pain. En effet, T-Pain fut officiellement le premier rappeur à y avoir eu recours. Ensuite, en plus de Lil Wayne, des rappeurs légendaires comme Snoop Dogg ou Kanye West permettront aussi de démocratiser l’outil.
En 2013, quand la trap, la drill et l’autotune émergent aux USA; en France, seulement la trap vient d’arriver. Il était temps !
Rappelons-le, de 2005 à 2012, le rap français connait un réel passage à vide. Donc même si à ce moment-là on est en retard sur les tendances, l’émergence du genre permettra toutefois au hip-hop français de retrouver des couleurs.
Lors de cette reprise incroyable, on retiendra notamment 3 noms: Kaaris, Booba et Gradur.
Cette année-là, des artistes comme le groupe S-Crew ou S. Pri Noir émergent également…
Boom! Transition:
J’avoue, tout va très vite. Mais accrochez-vous, parce que les années qui vont suivre sont encore plus complexes à décrire… et surtout remplies de véritables bangers.
En effet, s’il y a une période qui nous fait réaliser à quel point la trap est un genre musical révolutionnaire qui ne cesse de se développer, c’est bien celle-ci.
Du coup, ce qu’on a fait, c’est qu’on a regroupé notre sélection des meilleurs sons rap us et rap fr de 2014 à 2016, pour le plus grand plaisir des oreilles…
2014 à 2016 en 10 titres
Côté Fr, on assiste à l’émergence de “rappeurs” sur le papier, mais qui se font plus connaître pour des musiques soit festives, soit chantées/RnB, à l’image de Maitre Gims ou de Black M notamment. Et même si leur crédibilité dans le rap est discutable, ils sont quand même là depuis 2002 avec le groupe Sexion d’Assaut, donc leur parcours force le respect. Mister You, La Fouine et Lacrim, dans le milieu depuis quelques temps, sont eux aussi bien présents en 2014.
Cette année-là, en plus de la sortie de ‘Or Noir, partie 2‘, on peut déjà parler de JeanJass, de Caballero, de Guizmo, Népal, Lomepal… et de certains Alpha Wann et Vald à leurs débuts (des noms qui sonnent sûrement de plus en plus familiers pour nous, jeunes auditeurs de rap). En bref, les rappeurs actuels arrivent peu à peu…
2015
la démocratisation des feats fr/us…
…et la sortie d’un incontournable du rap fr: ‘Feu‘ de Nekfeu:
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2016
Cette année est marquée par littéralement des classiques du rap US. Je parle bien évidemment de ‘Birds in the Trap Sing McKnight‘ de Travis, ‘The Life of Pablo‘ de Kanye, ‘Views‘ de Drake, sans oublier le mythique ‘Savage Mode‘ de 21 Savage. Là, le rap a clairement pris un step.
Côté français, il en va de même:
une belle époque…
III- Le rap, genre numéro 1, multiplie les sous-genres
III-A- 2017 à 2020 aux US: entre légendes, prodiges et rappeurs à buzz
Aux USA, durant cette période, on peut segmenter le rap game en 3 groupes principaux: les “anciens”, les nouveaux espoirs (génération soundcloud, emo rappers…), et les rappeurs à buzz.
Les “légendes actuelles” du rap, c’est tous ceux qu’on vient de citer (Kanye West, Drake, Travis Scott, Kendrick Lamar, Migos…)
En revanche, c’est la première fois qu’on va commencer à voir des rappeurs “sans talent” buzzer ultra rapidement (je mets des guillemets parce qu’au vu du mouvement qu’ils ont réussi à créer, ils ont une certaine forme de talent). Quoi de mieux pour imager ça que 6ix9ine, le faux gangster, et Lil Pump, le jeune adolescent perturbé:
À ce moment-là, tout va pour le mieux pour les 2: les rappeurs assument pleinement leur délire, ils font rire les internautes et font même bouger des têtes avec quelques buzzs du moment. De plus, au vu de leurs feats, ils sont clairement crédibles: Lil Pump ft. Kanye West ou 6ix9ine ft. Nicki Minaj… ça fait de l’effet.
Mais bon, même avec tout ça, en voyant leur fanbase, il fallait pas être un génie pour comprendre que le public de ces 2 fraudes du rap serait très versatile… Et ça n’a pas loupé: après 2 voire 3 années de buzz complet, ils connaitront une descente aux enfers et s’éteindront aussi vite que ‘Gangnam Style‘ de Psy (c’est réel).
Donc heureusement, la relève, c’est pas ça.
Effectivement, en 2017, la fameuse vague soundcloud va marquer les esprits. Certains espoirs de cette génération entrent sur le devant de la scène: 21 Savage, Lil Uzi Vert, Playboi Carti, Kodak Black ou encore Lil Yachty comme nouveaux protagonistes…
Bien sûr les rappeurs plus anciens comme Drake et Kendrick Lamar survolent toujours le jeu, tandis que Migos et 21 Savage vont sortir séparément les deux plus gros bangers de l’année, véritables hits planétaires:
Là, le public est sonné: on se demande comment c’est possible qu’autant de hits trap sortent en si peu de temps…
Mais on a vite notre réponse: Atlanta, véritable capitale du hip-hop, fait émerger toutes sortes d’artistes tous plus talentueux les uns que les autres, et en un claquement de doigts un rappeur peut passer d’inconnu au bataillon à star du moment.
Quand on parle d’Atlanta, on pense notamment à Gucci Mane, Future, Young Thug, ou encore 21 Savage…
Mais le même mois que l’album ‘Issa‘ de 21, un certain rappeur d’Atlanta du nom de Lil Baby sortira ‘My Dawg‘, et son clip deviendra viral:
Bon…la suite on la connait: inutile de préciser le succès monumental de ‘Drip Too Hard‘ l’année d’après, et de tous ses albums et feats qui le classeront aujourd’hui dans le top 5 des rappeurs du moment, à côté de géants comme Drake ou Migos.
D’ailleurs, puisqu’on évoque le terme “drip” et que ce morceau l’illustre à merveille, c’est l’occasion d’expliquer ce que ça veut dire…
En fait, pour comprendre le terme “drip” il faut d’abord comprendre le terme “ice”, qui signifie littéralement “glace”. Ce terme que ce sont appropriés les rappeurs depuis un petit moment maintenant renvoie à la “haute joaillerie”, aux “bijoux coûteux” ou encore à n’importe quel autre accessoire diamanté. Dans le monde du rap, c’est avant tout un symbole de richesse financière, mais ça renvoie également au pouvoir et au succès. En effet, avoir du “ice” est une façon pour un rappeur né dans la misère de montrer qu’il a réussi à s’en sortir, à tel point qu’il peut s’acheter des diamants sans problème. C’est un symbole de statut, c’est le goal ultime si vous voulez.
Maintenant que vous savez ça, qu’est-ce que le “drip”? Et bien ça signifie “goutte à goutte”… Des gouttes de sueur? Non, pas du tout.
En fait, ça désigne le ice (la glace) qui fond face à la chaleur charismatique de son propriétaire. En gros, plus un rappeur est chaud, plus la rencontre entre le froid de ses accessoires diamantés et lui produiront des gouttes. Donc être drip, c’est produire ces rares gouttes de flow.
En 2018, le terme a explosé: il a été mentionné plus de 2 000 fois dans des musiques, et ça on le doit à Gunna et Lil Baby, mais aussi à Migos et Cardi B.
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Par ailleurs, l’emo rap connaît un incroyable succès à partir de 2017. C’est un genre dérivé du hip-hop mêlant des éléments du rap à des thèmes et paroles emo ainsi qu’à des éléments issus du rock comme le rock indépendant, le pop punk ou le metal. Si on se concentre uniquement sur la voix, c’est du rap mélodique qui transpire la nostalgie. Personnellement, j’adore.
L’emo rap laissera derrière elle 3 prodiges : Lil Peep, XXXTENTACION et Juice WRLD, qui, de leur côté, ont vécu des carrières aussi courtes que légendaires.
Dans ce style, on pourrait aussi citer Trippie Redd, Lil Xan, Lil Skies, Bones et même Lil Uzi Vert et Post Malone. D’ailleurs, on désigne XXXTENTACION et Juice WRLD car ce sont les + connus, parce qu’ils ont sorti de nombreux sons emo trap, et parce que certains thèmes tristes qu’ils ont abordé représentent bien le genre: la dépression, la solitude, l’addiction à la drogue, la rupture amoureuse et même le suicide… Mais le king de l’emo rap est, et restera Lil Peep, car il a bâti sa carrière sur le genre et il en est tout simplement son incarnation.
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Aux USA, on peut qualifier 2018-2020 comme étant la période triomphale de la trap. Pour moi, cette période c’est l’apogée de la trap. Après ça, le rap US cherchera à se renouveler et aucun artiste ne fera vraiment la même chose, ce qui fait qu’il n’y aura plus un seul mouvement rap qui domine en particulier, mais plein de sous-genres.
Du coup, en 2018, après le succès monumental de ‘Culture‘, et en particulier de ‘Bad & Boujee‘, les Migos ne se reposent pas sur leurs liasses, puisque l’année suivante ils choisissent de sortir l’ultime chef d’œuvre de leur carrière en groupe: ‘Culture II‘, et par extension, leur dernier plus gros hit: ‘Walk It Talk It’.
Quelques mois plus tard, Travis Scott confirmera sa place de génie du rap en sortant lui aussi son plus gros projet à l’heure actuelle: ‘ASTROWORLD‘.
Ce qui fait de Travis une véritable légende, c’est que, déjà, il est dans le rap depuis 2008 (faut tout de même le rappeler, mais il a démarré sa carrière presque en même temps que Drake). Ensuite, à l’heure actuelle c’est une superstar. Mais pas n’importe quelle superstar, puisque s’il y a un rappeur qui possède une fanbase aussi gigantesque qu’engouée, c’est bien lui: on pourra dire ce qu’on veut mais c’est le plus gros showman du rap, clairement.
D’ailleurs, en parlant de Travis, comment conclure cette période du rap sans parler du phénomène Pop Smoke? Le driller qui transpirait le succès, qui avait tout pour réussir, autant adoré par les rappeurs que par le public, mais assassiné avant de pouvoir dévoiler tout son talent…
Heureusement, nombreux furent les sons déjà enregistrés, donc on finit la chronique avec 2 des plus gros hits du rappeur:
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III-B- Le rap aujourd’hui
De nos jours, ça donne quoi?
Le rap est la nouvelle pop. Plus ça va et plus les beats s’accélèrent, les genres se multiplient, le public s’agrandit, et faire du rap veut tout et rien dire… On peut faire du rap, être au sommet et s’appeler Drake, Lil Baby ou Lil Uzi Vert… (des profils complètement différents donc).
Maintenant, on peut très bien rapper sur une trap atlanta vénère, sur de la house, ou même sur un geometry dash type beat.
Non plus sérieusement, on a des styles qui durent de moins en moins longtemps (selon moi, la jersey avec Kerchak tiendra encore une année grand maximum). Et en fin de compte, l’avenir du rap est limité, puisque plus ou moins tous ses sous-genres ont été exploités. On a vraiment le sentiment que le rap, dans ce qu’il avait de plus pur, ou même la trap, touchent bientôt à leur fin, au profit de sons qui ont uniquement pour but d’être passés en boîte, voire même de créer des trends tiktok…
De mon point de vue, les gens s’en lassent peu à peu, et coller le terme “rap” sur un son qui n’en est pas un est comme un prétexte pour faire croire que le genre existe encore, alors qu’en réalité, on fait de + en + face à des kicks tous les temps, ou encore à du rap superficiel de moins en moins abouti… et ça, c’est pas du hip-hop.
Mais pour pas finir la chronique sur un avis négatif, on pourrait aussi dire que aujourd’hui, rapper signifie expérimenter. Maintenant on ne rappe plus pour revendiquer quelque chose ou pour se clasher (en tout cas, c’est plus vraiment d’actualité ou la finalité). On rappe pour le plaisir de la musique et de surcroît avec une volonté explicite de vouloir apporter quelque chose de nouveau.
Du coup, la question qu’on pourrait se poser c’est: est-ce que la next gen va réussir à lancer un vrai mouvement? (Yeat aux US ou La Fève en France par exemple). Ou va-t-elle s’écrouler rapidement pour laisser place à un nouveau genre musical dominant?
En tout cas, on est plus que curieux à l’idée de voir ce que l’avenir de la musique nous réserve, mais en attendant…
Enjoy and Stay Tuned
Adrien Lescure