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Breaking News: les femmes aussi peuvent rapper… et même très bien

On l’aurait presque oublié en raison de l’effacement des reines du rap comme Lauryn Hill ou Missy Elliot du devant de la scène. Et pourtant l’année 2018 semble représenter un tournant majeur dans l’univers du rap grâce à la résurgence de talents féminins qui ont notamment été salués aux Grammys. Un an après l’article de Margaux Philippon «À toi qui penses que le rap féminin n’en vaut pas la peine» (http://startitkbs.org/index.php/2017/12/07/le-chant-des-rappeurs-vers-la-mort-du-rap/), je vous propose une nouvelle vision d’ensemble des rappeuses qui s’imposent et changent le game.

 

Même si l’on a tous en tête au moins un morceau connu des rappeuses des 1990s et début 2000s qui nous ont fait nous trémousser dans nos jeunes années sur ‘Family Affair’ ou ‘Get Ur Freak On’, le monde du rap a toujours été très masculin depuis ses débuts dans les années 1970.

‘Get Ur Freak On’ – Missy Elliott

 

En effet, que l’on soit plus old school ou new school, ce dont on se souvient moins bien c’est de l’histoire de ce rap féminin si difficilement accepté et qui avait pourtant très bien percé. Ces figures de la musique s’étaient fait une place méritée parmi les rappeurs, non plus seulement en tant que choristes ou en featuring mais avec des albums à succès comme ‘Black Reign’ de Queen Latifah.

On dénote MC Lyte, la première rappeuse à avoir fait un album solo en 1988. Puis dans les années 1990 le groupe féminin Salt-N-Pepa qui a enchaîné des hits plutôt proches de la pop.

Lil’ Kim se différencie de ses homologues par son son rap «Hardcore» et une image ultra provocatrice qu’elle brandit avec fierté dans ce monde difficile. Parallèlement d’autres rappeuses comme Bahamadia flirtent avec le jazz et la funk.

Bahamadia – I Confess

Finalement dans le début des années 2000 on découvre Mary J. Blige ou Eve.

 

Puis la plupart des rappeuses citées précédemment n’ont plus sorti d’album et aucune nouvelle ne s’est fait connaître. On observe ainsi tristement un grand vide d’une dizaine d’années.

Ce dernier est particulièrement dû à cette époque à un public majoritairement masculin qui a toujours «du mal à s’identifier aux rappeuses» car les thèmes les plus courants du «gangsta rap» sont alors le sexe et les femmes. Sans oublier que celles-ci se confrontent énormément à leur objectification dans le milieu; comme l’explique si bien Rick Ross: “You know, I never [signed a woman rapper to his label] because I always thought, like, I would end up fucking a female rapper and fucking the business up”. Les rappeuses ont du mal à se faire prendre au sérieux par beaucoup et reste considérées comme des chanteuses malgré leur talent.

 

Parce que rapper au final c’est quoi?

C’est écrire, composer et «chanter» du rap ok. Mais toutes ces images qui nous viennent en tête quand on pense au rap.. personne ne pense vraiment à la même chose aujourd’hui (la team old school vs new school, avec ou sans chant, d’un certain pays ou d’un autre, des expériences de vie communes…) Et parmi tous les différents types de rap (Check G-Funk, Hardcore, Hip Hop, Bounce…).

Finalement il y a eu tant d’évolution et de revirements dans le genre qu’il est impossible de s’accorder sur un rap unique. Alors est-ce que être rappeur c’est adhérer à au moins une de ces images précédentes ou juste être doué pour balancer des rimes qui claquent ? Qu’est ce qu’il fait que tu deviennes rappeur-se ? Comme pour les théories scientifiques, il suffit d’un exemple qui contredit la théorie pour la rendre obsolète. Or on peut clairement voir qu’une femme peut rapper.

Le seul élément qui reste et bloque alors est l’image. Cette image des femmes dans le rap qui a été plutôt malmenée dans les paroles comme dans les clips. Évidemment à de rares exceptions près comme 2Pac – Keep Ya Head Up, NAS – I Can, Jay Z – Smile

La majorité du rap c’est:

-> https://genius.com/Snoop-dogg-aint-no-fun-if-the-homies-cant-have-none-lyrics

Snoop Dog – Ain’t no fun (If The Homies Can’t Have None)

ou

Pop That – French Montana

En fait on a juste tellement été habitué à voir les femmes sous cet angle de la part des hommes et même des femmes qu’il est difficile d’y échapper quand on écoute des rappeuses.

 

Fin des années 2000, le phénomène Nicki Minaj débute. Elle se fait connaître sur MySpace mais fait le buzz avec son couplet sur ‘Monster’ de Kanye West.

Son premier album ‘Pink Friday’ est premier sur le US Billboard 200 et devient triple disque de platine en un mois. Elle choque, elle impressionne, tout le monde a des avis différents sur elle, et pas toujours sympathiques, mais elle ramène le rap féminin violemment. C’est d’ailleurs en voulant répliquer son succès que des labels signent des rappeuses comme Azealia Banks dont le style est très «club rap».

Azealia Banks – The Big Big Beat

 

Et ainsi depuis quelques temps on voit apparaître de nouveaux talents. En effet, Internet procure une nouvelle facilité pour produire des morceaux et il y a désormais moins de barrières à l’entrée qu’à l’époque.

Finalement, malgré cette dure acceptation que le monde du rap n’est pas réservé à un genre, il faut noter aujourd’hui une ouverture des thèmes abordés.

Cela donne de nouvelles approches du rap qui peuvent toucher un audimat bien plus large qu’auparavant. Qui aurait prédit il y a quelques années que le top 50 serait un jour rempli de rap? Avant, n’importe quel type de rap avait son public bien particulier et maintenant le rap « commercial » (concentré sur des rythmes et refrains attirants et répétitifs) a fait que ce genre est libre à l’interprétation.

Je vous donne comme exemple mon expérience récente au concert de Tyler the Creator au festival We Love Green 2018 à Paris. J’étais surprise de ne reconnaître que peu de sons alors que je pensais bien connaître l’artiste. Je me suis rendue compte que les 80% de ses chansons interprétées sur place étaient celles avec le moins de rap alors que c’est un rappeur de grande renommée. Mais finalement le chapiteau était un des plus rempli du festival.

Et c’est agréable parce que ça ne veut pas pour autant dire que les anciens styles de rap sont morts mais c’est ce qui peut au contraire tenter plus de personnes à s’intéresser au rap, des personnes qui n’auraient en temps normal jamais essayé d’écouter ce genre. C’est là que la musique mainstream peut rapprocher tout le monde, hommes et femmes.

Aujourd’hui le rap est beaucoup moins restreint à un certain groupe de personnes. Techniquement tout le monde peut se mettre à rapper. De plus en plus de rappeurs se sont ouverts au chant dans le rap, et réciproquement. Ainsi ça devient moins étrange quand une rappeuse se lâche sur un rap le temps d’un couplet ou d’une chanson comme Janelle Monáe avec son rap habile dans ‘Django Jane’.

 

Sur ce, voici une petite liste non-exhaustive de rappeuses US/UK aux styles très différents:

IAMDDB – Shade, énorme coup de coeur

ROES a.k.a. Angel Haze rappeuse de grand talent qui peut aussi bien passer du doux ‘Brooklyn’ au très hardcore ‘Werkin’ Girls’, Coely dont l’album ‘Different Waters’ alterne admirablement les influences et les rythmes, Chynna qui a sorti six titres mystérieusement mélodiques et sombres le mois dernier dans ‘I’m Not Here. This Isn’t Happening, Rapsody et son rap sans fioritures et rafraîchissant qui amène Kendrick Lamar et Busta Rhymes en feat., SZA qui est à la frontière du R&B avec des rythmes entraînants et joueurs notamment dans ‘Ctrl, Young MA qui montre ses skills avec son titre ‘OOOUU’ enregistré délibérément bourrée, Quay Dash avec son album ’Transphobic’ au rap entêtant, Cupcakke et son dernier titre ‘Quiz’ qui rend un peu fou, Saweetie qui rappe sur des instru totalement années 1990 avec force dans ‘ICY GRL’ dont le remix est d’ailleurs très bien fait, Bhad Bhabie se fait remarquer par son caractère original et n’a pas encore d’album solo mais elle a quelques titres à son actif comme ‘Gucci Flip Flops’ feat. Lil Yachty, et enfin Khodie Shane dont l’album ‘Big Trouble Little Jupiter’ est extrêmement prometteur avec ses rythmes lancinants qui donnent envie de danser «à la Magic Mike».

Big Freedia qui vient de sortir un nouvel album représente le style bien original de la Bounce, une musique extrêmement rythmée qui vient tout droit de la scène drag de la Nouvelle Orléans.

Big Freedia – Rent

Maintenant pour ceux et celles qui sont plus du côté français, on a pu voir un peu le même phénomène à un degré moindre: il y a eu quelques figures proéminentes dans les années 2000 comme Diam’s puis plus grand chose jusqu’à aujourd’hui. Check out Ladéa, KT Gorique ou encore La Gale.

KT Gorique – ‘Outta Road single bien lourd sorti il y a deux mois

Petit cadeau pour la fin: un son qui va peut être vous faire changer d’avis sur un rap qui a du mal à percer à l’étranger… le rap allemand.

Ace Tee – ‘Bist Du Down?’

 

Et on peut assurément prévoir que d’ici peu la scène féminine du rap va former sa propre identité et nous faire découvrir de nombreux nouveaux talents. D’ailleurs Fianso essaie de mettre en avant le rap féminin en invitant des rappeuses dans son émission «Rentre dans le cercle».

 

Lehna Ouali

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