Grammy Awards, American Music Awards, MTV Video Music Awards, Billboard Music Awards… Depuis des décennies, de nombreuses cérémonies de récompenses musicales abondent au sein du paysage télévisuel. Si ces dernières suscitent des polémiques, elles n’en restent pas moins très populaires et battent chaque année des records d’audience. Mais à quoi servent-elle en réalité ? Que valent-elles financièrement et artistiquement ? Comment sont-elles attribuées ? Sont-elles légitimes ?
Que valent les récompenses ?
Avant toute chose, être nominé ou récompensé n’apporte aucune rémunération directe et intrinsèque aux artistes ou aux producteurs. Malgré tout, une nomination ou une récompense constituent un gage de reconnaissance et offrent une importante visibilité auprès du grand public. Les récompenses musicales constituent en effet des outils promotionnels considérables, bénéfiques financièrement.
Selon une enquête menée par Forbes en 2012, les interprètes ou producteurs connaissent un “Grammy Bounce” soit une hausse d’au moins 55% de leur vente de tickets de concert suite à une victoire.
Et ce n’est pas tout. David Banner, rappeur et producteur américain ayant remporté un Grammy pour son travail sur l’album Tha Carter III de Lil Wayne, a déclaré que ses honoraires de producteur étaient passés de 50 000 $ à plus de 100 000 $ après sa récompense en 2009.
Quant aux artistes, après avoir remporté son premier Grammy Award, le salaire moyen brut par soirée de Bruno Mars est passé de 130 000 $ à 202 000 $ (+55%). Il est passée de 20 000 $ à 32 000 $ (+60%) pour Esperanza Spalding et de 125 000 $ à 600 000 $ (+380%) pour Taylor Swift. Sans oublier que les célébrités invitées à la cérémonie des Grammy Awards repartent avec un sac de goodies luxueux. En 2018, la valeur de ces derniers aurait atteint environ 30 000 $.
Au-delà de l’aspect purement financier, grâce à leurs victoires les producteurs bénéficient d’une certaine liberté artistique et d’une confiance octroyées par les labels. Malay, le producteur primé au Grammy Awards en 2013 pour son travail avec Frank Ocean sur Channel ORANGE, s’est exprimé sur le sujet dans une interview : “Ça a poussé la crédibilité à un autre niveau, surtout aux yeux d’un label qui souhaite que vous ayez déjà fait vos preuves et que vous puissiez produire quelque chose qui va être acclamé par la critique”. L’artiste Tori Kelly a appuyé ces propos en affirmant : “Quand je vois la phrase “Nominé.e pour un Grammy” ou “Vainqueur d’un Grammy” devant quelque chose, ça donne l’impression que cette personne est légitime”.
Un show avant tout
Les cérémonies de récompenses musicales sont avant tout un divertissement. Les artistes invités y livrent des performances mémorables et en font des lieux de révélations, d’extravagance et de frasques en tout genre.
Parmi les shows ayant marqué ces dernières années, la performance de The Weeknd aux MTV VMAs 2020 qui s’est achevée avec un impressionnant feu d’artifices, a particulièrement impressionné les téléspectateurs du monde entier.
Autre événement des MTV VMAs ayant marqué les esprits : l’intervention de Kanye West lors du discours de Taylor Swift pour sa victoire de la “Meilleure Vidéo d’une artiste féminine” en 2009. Celui-ci s’était alors imposé sur scène pour remettre en question la victoire de l’artiste, au profit de Beyoncé. Cet événement a été le déclencheur d’un drama de près de 10 ans entre les deux interprètes.
Bon nombre de spectateurs se souviennent encore également du scandale provoqué en 2013 suite au twerk de Miley Cyrus lors des VMAs.
Des cérémonies controversées
Bien qu’en tout point gratifiantes sur le papier, les cérémonies de récompenses musicales sont en réalité sources de nombreuses polémiques. La plupart d’entre elles tournent autour de l’absence de transparence ou de l’injustice concernant la sélection des nominés et des gagnants.
Notre article sur la 63ème cérémonie des Grammy Awards a fait part du manque d’équité, de diversité et d’objectivité au sein des artistes nominés. En effet, alors qu’il vient de battre un record historique avec son titre Blinding Lights resté pendant un an dans le top 10 du classement Billboard Hot 10, le chanteur The Weeknd ne s’est vu attribué aucune nomination pour l’édition 2021 des Grammys.
Celui-ci a fait connaitre son mécontentement sur les réseaux sociaux, et a été rejoint quelques mois plus tard par le chanteur Zayn qui a également critiqué le manque de transparence et le favoritisme de l’académie.
Nicki Minaj est quant à elle revenue sur la cérémonie de 2012 en déclarant : “N’oubliez jamais que les Grammys ne m’ont pas décerné le prix du “Meilleur Nouvel Artiste” alors que j’avais 7 chansons en même temps sur le Billboard et une première semaine de ventes plus importante que n’importe quelle rappeuse de la dernière décennie. Ils l’ont donné à l’homme blanc Bon Iver“.
Si le manque d’inclusivité ethnique est dénoncé, l’absence de parité l’est tout autant.
L’ensemble de ces protestations mérite un éclairage sur les modalités de nominations et de sélection des vainqueurs. Prenons des exemples :
Concernant les Grammy Awards, les nominés et les gagnants sont désignés par la National Academy of Recording Arts and Sciences, composée de membres de l’industrie musicale américaine plus ou moins impliqués dans la production des albums nominés. Leur homologue anglais, les Brit Awards, rencontrent également des soucis de légitimité car la Brits Academy possède le droit de désigner plus de la moitié des gagnants. Les MTV Video Music Awards, aussi appelés VMA, proposent quant à eux des artistes nominés par MTV. Le choix des gagnants est effectué par le public via Internet, de sorte à ce que les plus grosses fanbases fassent souvent gagner leurs artistes favoris.
Les cérémonies françaises ne s’en tirent pas mieux, à commencer par les NRJ Music Awards, crées en 2000 par la radio NRJ. Le système de nomination est le suivant : NRJ fournit une liste de six pré-nominés par catégorie qui est ensuite réduite à quatre nominés officiels par le vote des internautes. Les vainqueurs sont quant à eux désignés par le public qui vote par SMS et sur Internet. Si l’on peut penser que le système de vote par le public permet une légitimité, il n’en est rien. En effet, la chaine TF1, chaîne de diffusion des NRJ Music Awards, est partenaire de l’émission. Les listes des pré-nominés sont ainsi généralement constituées d’artistes ayant des partenariats publicitaires avec NRJ ou TF1. A titre d’exemple, en 2009, la comédie musicale Cléopâtre, dont NRJ et TF1 étaient partenaires, a remporté le NRJ Music Award du meilleur duo ou groupe francophone alors que sa toute première représentation n’avait pas encore eu lieu.
Les Victoires de la Musique se sont également retrouvées au cœur des polémiques concernant la diversité, les nominés et les vainqueurs.
En effet, bien qu’ayant décidé d’instaurer une nouvelle catégorie nommée “Titre le plus streamé de l’année”, la cérémonie a réduit son nombre total de catégories à huit (au lieu de treize par le passé). Selon le président des Victoires de la musique, Romain Vivien, cette décision a été prise par souci de “lisibilité”. “Nous voulions éviter de catégoriser les artistes, et puis le public ne s’y retrouvait pas forcément. C’était aussi une demande d’artistes, qui nous disaient : on veut concourir avec tout le monde” affirme-t-il. Néanmoins, certains déplorent le manque de diversité accompagnant la suppression des étiquettes des genres rock, électro, musiques du monde, musiques urbaines et rap.
Autre polémique, le titre remporté par Angèle lors de la cérémonie de 2020 a provoqué de nombreuses interrogations parmi les téléspectateurs. En effet, alors qu’elle remporte la récompense de “Concert de l’année” (sur un ensemble de critères encore aujourd’hui méconnus), l’affiche de son concert indique comme partenaire Le Crédit Mutuel, également partenaire des Victoires de la Musique. Simple hasard ou choix influencé ?
Ainsi, les cérémonies de récompenses musicales apportent de nombreux bénéfices aux artistes, qu’ils soient financiers ou promotionnels. Elles font toutefois l’objet de multiples polémiques, futurs enjeux de l’industrie musicale.
Enjoy & Stay Tuned.
Eva Rozand