Rap et Politique. Ces deux notions peuvent vous sembler extrêmement proches ou au contraire extrêmement éloignées. En effet, le rap est devenu si large qu’on ne peut plus dire qu’il se doit de porter un message politique. Cependant, rap et politique ont bien une histoire commune. En cette période électorale, il nous paraît être le bon moment pour en parler.
I. Le rap politique
« Qui prétend faire du rap sans prendre position »
Ärsenik (Calbo), Boxe avec les mots, 1998
Cette phrase iconique reprise par Assassins, Keny Arkana ou encore Kery James montre que l’une des raisons d’être du rap est la revendication. Aucun autre style musical ne laisse autant de place aux paroles, au sens des mots et donc aux dénonciations. Ainsi, en France, dans les années 1990, les premiers groupes étaient les représentants de toute une génération laissée à l’abandon par les hautes instances. IAM ou NTM, les deux têtes d’affiches de l’époque, avaient des messages en premier lieu politique, car ils sentaient cette responsabilité vis-à-vis de leurs paires.
« NTM est l’impact sans aucun sens du tact / Se déjouant de toute attaque des ennemis de la liberté »
Suprême NTM (Joey Starr), Blanc et Noir, 1991
En 2002, alors que l’extrême droite était pour la première fois au deuxième tour des présidentielles, bon nombre de rappeurs s’étaient rassemblés sur un morceau pour inciter les jeunes à faire barrage à Jean-Marie Le Pen. Le morceau s’appelle La Lutte en Marche et regroupe : Mr. R, Le Rat Luciano, Tandem, La Scred Connexion, Ol’Kainry, Youssoupha, Diams, Sniper, Al Peco, et bien d’autres…
De nos jours, rares sont les artistes encore considérés comme engagés. Des artistes comme Youssoupha, Kery James ou encore Médine semblent être les derniers assimilés à ce courant.
II.Le désintéressement du rap vis-à-vis de la politique
Si le message politique est une base du rap, l’engagement se réduit à quelques punchlines, rarement plus. D’ailleurs, celles-ci sont souvent violentes et ciblent régulièrement des personnages de droite ou d’extrême droite. Cependant, elles reflètent plus souvent une indifférence envers le monde de la politique qu’une envie de changer les choses.
Dans la grande globalité, le rap français, en devenant mainstream, s’est lissé pour laisser place à des morceaux où l’ambiance prime sur le message. Il serait impensable qu’un morceau comme La Lutte en Marche voient le jour en 2022. Cependant, pour certaines causes politiques comme Black Lives Matter, de nombreux rappeurs sont allés manifester ou ont traité ce sujet en musique ; mais ce ne sont plus les rappeurs qui sont à l’origine de ces soulèvements sociaux.
“Ils sont incompétents comme Benjamin Griveaux” Jwles, Saint-Rémy, 2022
Bref, aujourd’hui les rappeurs s’engagent au détour de quelques punchlines, mais n’en font plus l’essence de leur musique, surement à cause de l’importance que l’image a pris dans le rap de nos jours. L’un des rares rappeurs qui s’engagent politiquement et qui n’a pas peur de partager son avis avec son public est Gouap de Lyonzon. Bien que son rap ne soit pas « conscient », il n’hésite pas à utiliser son compte Instagram comme un véritable lieu d’échange d’opinion sur la société et la politique. Cela prouve que certains rappeurs, encore aujourd’hui, ont une conscience politique et appellent leurs auditeurs à réfléchir sur ces sujets.
La relation tumultueuse entre le rap et la politique a donné lieu à des situations improbables, dans le bon sens comme dans le mauvais. Nous reviendrons sur certains engagements, certains featurings ou encore quelques déclarations dans un prochain article. Affaire à suivre…
Enjoy & Stay Tuned.
Eugène Hayaud