Ce vendredi 17 février, Georgio a galvanisé le public du Rocher de Palmer à Cenon. Un public très réceptif était présent ce soir là pour l’artiste devenu presque un symbole de la jeunesse. En attendant, c’est le groupe Berywam qui assure la première partie. Le collectif composé de Beatness, Rythmind, WaWad (champion de France de Beatbox) et MB14 (finaliste de la saison 5 de The Voice) a été à la hauteur de l’événement et a chauffé la salle uniquement avec leur voix. A capella, ils sont capables de reprendre n’importe quel hit, allant du reggae à la techno, en passant par le hip-hop et la pop. Après une énorme prestation naviguant entre beatbox, chants et imitations, la performance des 4 beatboxers s’achève sur le désormais connu “Gangsta’s Paradise” de MB14 et son looper, qu’il avait exécuté lors de son audition à l’aveugle de The Voice. Le public est chauffé à blanc, et n’attend désormais qu’une seule chose : l’arrivée de Georgio.
Georgio fait partie de cette nouvelle génération de rappeurs qui ont dû s’affirmer comme digne descendant du rap des années 90, tout en justifiant que leur rap se veut, à première vue, moins engagé que les NTM ou autres IAM. Pourtant, lorsqu’il débarque sur scène, armé de sa gueule d’ange et de sa béquille, chantant “L’espoir meurt en dernier”, Georgio est engagé.
Engagé auprès de son public d’abord. Il devient – presque malgré lui – le porte-parole de sa génération: de ses angoisses et des ses espoirs, de ses déceptions et de ses combats. Cette génération qui sait qu’elle va devoir construire son avenir seule, “Du bout de [m]ses dix doigts”. C’est d’ailleurs sur “No Future”, morceau mi-punk/mi-rap – et donc morceau de la contre-culture par excellence -, que Georgio enflamme la salle d’une étincelle révolutionnaire. Lorsqu’il scande “on garde le point levé, la nuit debout” backé par toute la salle qui a son tour, a le poing en l’air, on se dit que cette génération au taux d’absention imbattable l’est aussi, engagée. La tension un poil anarchique atteint d’ailleurs des sommets au coeur des mosh pits sur “Appel à la Révolte”. Même si ce n’est que le temps d’un morceau, c’est comme si chacun savait que c’était le moment de laisser exploser sa rage et ses désillusions.
Au-delà de l’engagement avec son public, c’est une réelle bienveillance, une communion qui transparaît entre Georgio et les jeunes dans la salle. Ses nuits noires qu’il décrit sur son premier album Bleu Noir ont accompagné leurs nuits blanches, son envie de “Dévorer la terre” sur Héra leur redonne espoir. Un espoir justifié et jouissif puisque le combat de Georgio contre la dépression semble gagné lorsqu’il jure “Promis j’arrête / d’idéaliser l’obscurité” sur “Promis j’arrête” ou lorsqu’il hurle sur le cathartique “Ici-bas”: “Si vous croisez mon ex moi, vous pouvez l’étrangler / Lui jeter des pierres, le piétiner, mais surtout pas l’réveiller / J’veux plus l’voir, j’veux pas croire qu’il ait pu exister”.
Entre chaque morceau, Georgio semble avoir un mot pour son public, qui résonne comme une accolade bienveillante. “j’espère que vous lisez Maïakovski parce que c’est ouf” lance-t-il après “Svetlana et Maïakovski”, “faites gaffe de pas trop boire, moi j’ai fait le con et c’est comme ça que je me suis pété la gueule” prévient-il pour justifier sa béquille après “L’or de sa vapeur rouge”. Cette relation si particulière qu’il entretient avec son public respire la reconnaissance mutuelle pour ce que chacun apporte à l’autre. Cette bienveillance, Georgio l’entretient également pour ses proches: il fait du rap pour “mettre ses proches à l’abris”, chante “Rêveur” pour Anatole, son frère présent dans la salle et acclamé par la foule, laisse son backer Sanka (rappeur de la 75ème Session) interpréter un morceau et fait la promo de son album à venir.
Son public a entre 15 et 25ans mais armé de ses textes bourrés de références littéraires, d’Artau (L’espoir meurt en dernier) à Céline (Héra) en passant par Baudelaire (La terre je la dévore) et Tesson (La vue du sang), Georgio est un rappeur inclassable. Et quand à son manque d’engagement politique, rien n’est moins sûr: lorsqu’il parle de Moushin et Larami, de l’affaire Mirval au CJD de Fleury, ou qu’il explique qu’il se positionne dans “La vue du sang”, son histoire respire la fracture sociale.
Alors oui Georgio “chante dans ses putains de refrains”, mais toute la salle du Rocher s’est mise à sauter pour leur “Héros”. Ce genre de héros qui porte un regard neuf et sincère sur la société, avec ses anecdotes bien d’aujourd’hui et ses problèmes nouveaux. Il est tantôt lasse et désabusé, tantôt joueur et révolté, tantôt provocateur, mais laisse toujours transparaitre une bienveillance hors du commun. Et on souhaite conclure cet article comme Georgio a conclu le concert: “n’oubliez pas, la vie est une fête bande d’enfoirés”.
Ecrit par Clément Herbez et Coline Poidevin.