Damso, de son vrai nom William Kalubi Mwamba, est un rappeur et auteur-compositeur belge d’origine congolaise, né le 10 mai 1992 à Kinshasa, en République démocratique du Congo. Révélé au grand public grâce à sa collaboration avec le collectif 92i de Booba, il s’est rapidement imposé comme l’une des figures majeures du rap francophone.
Damso débute dans le rap underground avant de rejoindre le 92i en 2015. Il sort son premier album studio, « Batterie Faible » (2016), qui rencontre un grand succès critique et commercial. Il enchaîne avec les albums « Ipséité » (2017), « Lithopédion » (2018), « QALF » (2020), et « QALF infinity » (2023), tous salués pour leur profondeur, leur innovation musicale, et leur succès dans les charts.
Le style de Damso se caractérise par des productions mélodieuses et variées, mêlant rap, chant, et influences multiples. Ses textes abordent des thèmes comme l’amour, la solitude, la société, les inégalités, et son vécu personnel, souvent avec un ton introspectif et poétique.
Avec plusieurs disques de platine et des tournées à guichets fermés, Damso est considéré comme l’un des artistes les plus influents du rap francophone. Sa capacité à réinventer les codes du genre et à créer une connexion émotionnelle avec son public en font une figure incontournable de la scène musicale. Damso est également connu pour ses prises de position sur des sujets comme la colonisation, l’identité, et la liberté artistique, renforçant son image d’artiste engagé.
Aujourd’hui, Damso sort un projet surprise pour faire patienter tranquillement avant la sortie de son prochain album BEYAH prévu en 2025. Le titre du projet, J’AI MENTI, reflète bien que, parfois, notre Dems préfère se contredire, se tromper ou même mentir. La cover du projet intrigue : on y voit le visage de Damso avec des pupilles noires et le blanc de l’œil bleuté. Une deuxième cover, encore plus mystique, montre deux mains qui s’empoignent, avec en arrière-plan le visage de Dems aux yeux bleus, ainsi qu’une silhouette presque en transe, les yeux blancs, évoquant un rituel chamanique, située au niveau des deux pouces des mains.
Analyse globale du Projet
Ces 11 nouveaux titres se dévoilent dans une esthétique obscure et complexe, mêlant un lyrisme acéré et parfois prosaïque. Œuvre ambitieuse, J’ai menti illustre une fois de plus la capacité de l’artiste belge à expérimenter et repousser les limites musicales, tout en suscitant des interrogations sur la pertinence et la profondeur de son discours.
Sur le plan sonore, Damso brille encore par son audace. Ce nouvel opus est une mosaïque de styles qui transcendent les frontières du rap traditionnel. L’amapiano s’invite de façon surprenante, tandis que le shatta se mêle à des orchestrations d’électro symphonique. Chaque morceau se distingue par une composition musicale originale, conçue pour captiver.
De manière générale, le projet est excellent. On y retrouve à la fois un Dems à l’ancienne sur
Schéma, avec un style brut, sombre et intense, et un Dems plus posé et mature, teinté d’influences africaines, sur Limbisa NgaI. L’artiste reste cohérent du début à la fin, tout en s’ouvrant à des influences variées : électro, afro, trance, pop… Damso varie les flows sur presque chaque morceau et ose de nouvelles approches, comme dans la première partie de Chrome, où son flow, presque essoufflé, traduit une intensité brute. Côté production, Damso confirme son talent de mixage. Les prods, à la fois variées et inattendues, offrent de belles surprises : un magnifique piano sur Schéma et une guitare émouvante sur Conséquences.
Passons maintenant à une analyse plus poussée de certains morceaux du projet.
CHROME
Le single de l’album est, selon moi, l’un des morceaux les moins convaincants du projet. On y découvre un Damso avec un nouveau flow dans la première partie, mais toujours fidèle à des paroles crues : « Negro, y’a pas de respect comme celle qui attend de se faire ken pour dire qu’elle a une MST. » Une fois encore, ce type de texte risque de ne pas séduire les féministes.
Dans la deuxième partie du morceau, la production devient encore plus sombre, rappelant presque le Damso de Batterie Faible, avec un flow intense et sombre qui plonge davantage dans son univers obscur.
Laisse-moi tranquille.
Changement d’ambiance total avec Laisse-moi tranquille, qui nous entraîne dès les premières notes avec une mélodie au violon et une atmosphère particulièrement singulière. Dans ce morceau, Damso raconte presque une histoire, celle d’une relation qui se détériore. Il s’adresse directement à une femme qu’il a connue, ainsi qu’à un ancien ami, avec des paroles cinglantes : « Que tu es laide, malpropre et acariâtre » ; « C’est vrai, je te capte moins, gros, mais ton énergie, j’peux pas. »
Encore une fois, Damso varie les flows, passant d’un style saccadé à un refrain chanté plus lent et mélodique. Pour conclure en beauté, la production s’intensifie : grésillements, synthés et chœurs viennent enrichir l’ensemble, rendant le morceau spectaculaire et inoubliable.
Schéma
Mon morceau préféré de l’album. Une production envoûtante, portée par un piano captivant et de bonnes basses, une recette qui fonctionne toujours, d’autant plus avec un Damso plein de rage. Les paroles occupent une place centrale dans ce titre, où il raconte une relation difficile avec une femme. Damso confie son incapacité à changer, reproduisant le même schéma avec les femmes qu’il rencontre. Il tente d’être sérieux, d’apprendre à aimer, mais c’est impossible. Il enchaîne les relations sans lendemain, persuadé que le problème vient des femmes, tout en sachant au fond de lui que le véritable problème, c’est lui.
« À côté, j’vois une meuf qui veut m’avoir à ses côtés pour compenser un manque d’amour paternel. »
« Perdu avec des histoires de love, j’sors avec des go et j’reproduis le même schéma. »
Sur cette production, Damso semble presque alcoolisé, crachant ses mots avec intensité avant de basculer soudainement dans une mélancolie mélodieuse. Il se noie dans la tristesse et l’alcool, oscillant entre colère et désespoir, ce qui donne au morceau une profondeur émotionnelle unique.
24H plus tôt
Le morceau débute dans une ambiance presque psychédélique, où Damso raconte, dans la première partie, la réalisation d’un meurtre. Avec un flow oppressant, il décrit en détail les actions du meurtrier et la façon dont il martyrise sa victime. Dans une deuxième partie, un témoignage relate que l’assassin s’est finalement tué en voiture : « Il a coupé ses membres, il a pété ses dents, il a pété les plombs. »
Dans la dernière partie, on comprend que Damso explore ce qui a poussé l’assassin à commettre cet acte, d’où le titre 24h plus tôt. Cette section s’ouvre sur une guitare accompagnée de chœurs en fond, offrant un contraste saisissant avec l’ambiance oppressante précédente. Damso dévoile une vie marquée par la tristesse, la solitude et une profonde inutilité : « Une vie de merde, et j’sais même plus pourquoi j’existe. Quand j’le saurai, je ne serai plus là. » Cette dernière partie apporte une dimension tragique et introspective au morceau.
La rue est morte.
Ce morceau s’ouvre sur une guitare envoûtante, où l’on retrouve un Damso posé, empreint de nostalgie pour une époque révolue. Il n’est plus un homme de la rue, il fait désormais partie des riches. Dès le début, Damso double ses voix, mêlant chant et paroles, créant ainsi une ambiance unique. « J’ai tué mon moi d’avant, la rue est morte » ; « Maintenant j’ai des sous. » S’il n’est pas particulièrement triste d’avoir quitté la rue et apprécie sa vie plus saine, il admet parfois ressentir le regret de ne pas replonger dans cet ancien univers.
Entre l’amapiano précis de Limbisa Ngai, en featuring avec Kalash Criminel, grand représentant de la diaspora congolaise, et le goût affirmé pour le panafricanisme, jusqu’à la folie assumée de DAMSAUTISTE, Damso nous offre un projet de grande qualité. Il montre que le rap francophone peut allier des textes crus, innovants et accrocheurs avec des mélodies complexes et une production soignée.
Espérons que Damso mentira également sur son intention de faire de BEYAH son dernier album. Rendez-vous en 2025.
Enjoy and stay tuned
Macéo Germain